Albert DE DION
(Comte devenu marquis au décès de son père en 1921)
Jules Philippe Félix Albert de Dion Wandonne de Malfiance dit)
Né le 10 mars 1856 à deux heures du soir (14 h) à Nantes Loire-Atlantique 44
Source AD44 en ligne
Décédé le 19 août 1946 à Paris
Quand un Comte fortuné rencontre un ingénieux fabricant de jouets …
Le début de sa destinée fait penser à un luxueux divertissement pour aristocrate riche et désœuvré.
Ainsi, c’est une locomotive à vapeur miniature qui fait se rencontrer, en 1882, le Comte de Dion et l’ingénieux Georges Bouton fabricant de maquettes, constructions mécaniques et jouets scientifiques.
De cette anecdote naît la marque de Dion-Bouton qui sera un temps le plus grand fabricant au monde d’automobiles et après 14-18 le principal fabricant français d’autorails.
L’un, porte particules et nom à rallonge grâce à son ascendance riche et noble, est campé d’un physique de colosse, et se fait volontiers désinvolte, provocateur mais passionné de mécanique et résolument tourné vers l’avenir. L’autre est un petit monsieur habile et ingénieux au caractère modeste et réservé. Il est le partenaire idéal du comte de Dion qui rêve de construire des voitures comme Amédée Bollée mais plus légères et moins chères.
Ils sont bientôt rejoints par le beau-frère de Georges Bouton, Armand Trépardoux, ingénieur des Arts et Métiers, spécialiste des chaudières à vaporisation instantanée.
Les Etablissements De Dion-Bouton-Trépardoux s’installent non loin de la Porte Maillot, dans ce quartier parisien réputé pour ses fabricants de vélocipèdes. Dès l’année suivante, ils sortent un premier quadricycle à vapeur, seule force motrice de l’époque. Les roues avant sont motrices et les roues arrières directrices. La partie vélocipède de ce modèle est réalisée par les frères Renard, fabricants de cycles et inventeurs de roues à rayons croisés.
Albert de Dion sur un tricycle
En 1884, leur 1ère automobile à vapeur atteint la vitesse impressionnante de 60km/h
La firme dépose un premier brevet d’une chaudière à vaporisation rapide utilisable pour la navigation maritime. Mais bien vite se referme cette parenthèse fluviale car le Comte De Dion n’a en tête que l’automobile.
Et l’année suivante, en 1884, sort un second quadricycle suivi d’autres plus perfectionnés et puissants jusqu’à la première voiture quatre places à transmission par chaîne et qui atteint la vitesse, phénoménale pour l’époque, de 60 km/h.
Certains modèles demeurent à l’état de prototypes mais quelques uns trouvent acquéreurs fascinés par ces machines aussi pétaradantes qu’effrayantes pour les piétons.
Bientôt, l’atelier de la rue Pergolèse se fait trop petit et, en 1883, il faut déménager à Puteaux, dans une ancienne usine, où vont s’activer une vingtaine d’employés, pour atteindre 3 000 personnes en 1905 et le double la veille de la guerre. A partir de 1887, en sort une longue gamme de tricycles monoplaces.
Mais c’est sur un quadricycles à vapeur de 1884 que Georges Bouton en personne participe à la 1ère « épreuve » organisée par le journal Le Vélocipède entre le pont de Neuilly et le bois de Boulogne. Cela se passe le 28 avril 1887 et l’intrépide pilote finit en vainqueur… Il faut dire qu’il est le seul engagé et sa machine a accompli le périple sans incident !
Trépardoux fan de la « vapeur » quitte De Dion converti au « pétrole », ce qui met le Comte en fureur…
Les tricycles et quadricycles De Dion-Bouton prolifèrent et les derniers sont même équipés de bandages en caoutchouc. Il faut dire que le marquis, financier de l’entreprise, a bien fait les choses dans son contrat avec Bouton et Trépardoux. Dur en affaires, il ne consent que 20% des bénéfices à ses associés, qui doivent pourtant consacrer l’exclusivité de leur temps aux affaires de la société.
Insatiable novateur, Albert De Dion, pressent que le moteur à pétrole de Gottlieb Daimler est la voie d’avenir. D’ailleurs, Panhard et Levassor ne viennent-ils pas d’acheter une licence du brevet de l’ingénieur allemand ? Convaincu plus que jamais, De Dion décide de tout miser sur le développement d’un tel moteur au sein de l’entreprise. Mais Armand Trépardoux, inconditionnel de la « vapeur », ne l’entend pas de cette oreille et claque la porte en 1893. On raconte que ce départ met le marquis dans une telle colère qu’il coupe de rage le portrait de son ancien associé sur tous les clichés de la société et bannit à jamais son nom de tous les registres ! A partir de là l’entreprise se dénommera : De Dion-Bouton.
De Dion-Bouton Paris-Madrid 1903
Une merveille de petit moteur à pétrole sort après six ans de recherches pour Bouton
Tandis que la production de véhicules à vapeur se poursuit dans l’entreprise, six années de recherche sont nécessaires à Georges Bouton pour réaliser les projets de son mentor : un petit moteur monocylindre à pétrole de 185 cm3 qui est une pure merveille. L’utilisation de nouveaux matériaux tels l’aluminium a permis d’alléger le moteur qui se révèle plus régulier et plus puissant que la concurrence puisqu’il tourne jusqu’à 2000 tours/minute, soit 2 à 3 fois plus vite que ceux disponibles sur le marché.
Et dans la course Paris-Marseille-Paris de 1896, les tricycles De Dion-Bouton confirment leur excellent rendement en décrochant les 3e et 5e places.
Dès lors, les commandes affluent à l’usine de Puteaux et le moteur est produit à 50 000 exemplaires et selon la réclame toujours copié, jamais égalé.
Si Georges Bouton s’affaire dans ses ateliers, Albert De Dion s’active dans les relations publiques et se révèle un génie de la communication.
Ainsi en 1895, il crée l’Automobile Club de France, destiné à promouvoir la voiture, défendre les intérêts de l’automobiliste, favoriser les évolutions techniques et organiser courses, concours et expositions.
En 1897, il fonde la Chambre Syndicale de l’Automobile dont il s’octroie la présidence qu’il occupera jusqu’en 1926.
En 1898, passionné aussi de machines volantes, Albert De Dion fonde l’Aéro-Club qui deviendra en 1903, l’Aéro-Club de France.
Pendant ce temps, les voitures De Dion-Bouton continuent de s’illustrer dans les épreuves sportives, tandis que la production se développe et se diversifie notamment avec la nouvelle bicyclette à moteur, l’ancêtre du vélomoteur, puis la fabrication de produits liés à l’électricité, piles, dynamo…
Le vis-à-vis De Dion-Bouton qui sort en 1899 préfigure l’image de la voiture moderne. 2970 exemplaires seront vendus de 1900 à 1902.
Double Phaéton De Dion –Bouton 1911
Pour Albert De Dion, sa réussite est revanche sur ceux qui l’accusaient de dilapider la fortune familiale.
En ce début de 20e siècle, il y a chez De Dion-Bouton comme un vent de réussite et d’euphorie avec plus de 4 000 véhicules livrés et environ 35 000 moteurs. Et c’est aussi une belle revanche pour Albert De-Dion qui avait dû affronter les moqueries de ses proches et surtout de sa famille qui songeait à le placer sous tutelle au motif qu’il dilapidait la fortune familiale.
Bien avant la croisière jaune de Citroën (1931), De Dion lance deux véhicules pour le raid Pékin-Paris en 1907.
En 1900, le Comte sort son propre journal L’auto-Vélo qui deviendra L’auto, le plus fort tirage de la presse française entre 1925 et 1930.
Ce bâtisseur intuitif, doublé d’un formidable organisateur, s’investit en précurseur pour les nouvelles mécaniques et les outils de communication qu’il pressent utiles au devenir humain.
Sa collaboration avec Raoul Perpère, ingénieur, géologue, permet d'inventer le 1er embrayage de l'histoire de l'automobile.
La firme De Dion-Bouton fait aussi dans le véhicule utilitaire, pour le ramassage des ordures, véhicules sanitaires et pour les pompiers, tracteurs agricoles, camions, camionnettes et même les autobus grâce à un contrat signé avec la RATP. En même temps, se développe le matériel ferroviaire dont les autorails.
Quant à l’aéronautique, De Dion s’y intéresse dès 1889 à travers ses moteurs rotatifs en étoile, notamment celui à 12 cylindres, précurseur incontesté de tous les moteurs d’avion en étoile.
La firme produit aussi un aéroplane biplan de 100CV.
Machine De Dion-Bouton pour nettoyer les rues
1933, la fin de l’aventure automobile du marquis
Mais la Grande Guerre interrompt l’élan de l’entreprise qui se consacre alors à « l’effort de guerre » et produit automitrailleuses, camions, culasses de fusil, moteurs d’avion… Après le conflit, l’usine recentre sa production sur les véhicules lourds notamment le secteur ferroviaire.
Des difficultés financières et techniques ainsi qu’un défaut d’adaptation aux techniques nouvelles de grande série, empêchent De Dion-Bouton de concurrencer Renault, Peugeot, Citroën qui inondent le marché de modèles économiques. Même le haut de gamme est délaissé au profit d’Hispano-Suiza et de Bugatti. Les prix de ses véhicules sont excessifs et leur qualité défaillante.
Mais l’orgueilleux marquis refuse de vendre et persiste en sortant deux nouveaux modèles. La crise économique assène le coup fatal pour l’entreprise qui cesse sa production en 1933, année où Albert De Dion se retire des affaires.
La production des véhicules industriels et des autorails, reprise par des collaborateurs, se maintient jusqu’en 1953. La marque De Dion-Bouton existe encore jusque dans les années 1960, pour les cycles, vélomoteurs, scooters.
De Dion, chef d’entreprise, mais aussi homme politique
- Conseiller général du canton de Carquefou de 1899 à 1934
- Député extrême-droite de Loire-Inférieure de 1902 à 1923
- Sénateur de Loire-Inférieure de 1923 à 1940
Il s’abstient lors du vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain du 10 juillet 1940 et proclame le devoir impérieux de résistance après l’armistice.
Jusqu’à la fin de sa vie, en 1946, le marquis se montre fantaisiste, tant il est vrai qu’il fait souvent la une de la presse, qu’il s’agisse de vanter un de ses engins révolutionnaires, d’évoquer un de ses duels, ses multiples aventures amoureuses ou bien ses déclarations politiques fracassantes.
(Logiciel AUREAS AstroPC Paris)
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