Frère LUC
Le moine « toubib » qui aime Piaf
Paul Gabriel DOCHIER
Né le 31 janvier 1914 à 1 heure à Bourg-de-Péage Drôme
selon acte n°8
décédé en mai 1996 à Médéa en Algérie
Dans la communauté de Tibhirine, il est le médecin : bagage utile dans cette région isolée. Mais c’est parce qu’il y a au monastère, « un toubib » que le GIA (Groupe Islamique Armé) y fait une visite le soir de Noël 1993. Emmener d’abord Frère Luc, c’est ce que veulent ces hommes armés. Le prieur Dom Christian refuse en indiquant que Frère Luc est disponible au monastère pour soigner, dans son petit dispensaire, tous ceux qui se présentent. Ils consentent à repartir mais en menaçant de revenir.
La vocation première de Luc Dochier est la médecine. De ses études à la faculté de Lyon, il conserve de nombreux amis médecins qui, plus tard, lui envoient les médicaments dont il a besoin pour son dispensaire de Tibhirine. Il y reçoit chaque jour gratuitement des malades n’ayant pas les moyens de se faire soigner à la ville, jusqu’à 70 personnes. Ce sont les habitants des villages voisins et aussi « les frères de la montagne » : les membres du GIA qui campent en face dans la montagne.
Son sens de l’humour est souvent le meilleur des remèdes. Mais la peur au ventre, il connaît depuis longtemps. En effet, à la fin de guerre d’Algérie, les maquisards du FLN qui avaient besoin d’un médecin, étaient venus le chercher à Tibhirine.
Sa santé fragile (asthmatique et cardiaque) se dégrade mais il s’obstine, ne dort plus guère et pousse sans cesse ses limites : je rentrerai définitivement quand ma santé m’y obligera, dit-il.
La violence l’obsède et dans ses dernières lettres, il la décrit sans détour.
Son histoire d’amour avec l’Algérie dure une demi-siècle puisqu’il part pour Tibhirine dès 1946. Auparavant, en 1939, il part comme médecin militaire dans une unité du Grand Sud marocain. De retour en France, il se sent inutile et veut s’occuper des victimes du conflit. C’est pourquoi il se porte volontaire pour partir dans un camp de prisonniers en Allemagne, à la condition qu’en échange un père de famille nombreuse prisonnier soit libéré. Les Allemands acceptent. Dans le camp, le jeune médecin s’émeut du sort réservé aux détenus russes, dont les conditions de vie sont pires que celles des Français. Pendant des mois, il les soignent et des amitiés se nouent.
A la Libération, il comprend que s’il cherche à sauver des vies, c’est pour servir Dieu. Ainsi, après un bref séjour à l’abbaye d’Aiguebelle, il part pour le monastère de Tibhirine en 1946.
C’est le plus direct de tous et aussi le plus lucide : à 82 ans, je n’ai plus rien à perdre, dit-il. La cassette de son enterrement est prête : la chanson d’Edith Piaf « Non, rien de rien, non, je ne regrette rien ».
Frère Luc
(Logiciel AUREAS AstroPC Paris)
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