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Frère CHRISTIAN

Supérieur de la communauté
fils de général, dévoué aux pauvres d’Algérie

 Charles Marie Christian de CHERGE

né le 18 janvier 1937 à 23 heures à Colmar Haut-Rhin 68

décédé en mai 1996 à Médéa Algérie

 

Il est le Père Prieur de la communauté de moines trappistes
de Notre Dame de l’Atlas à Tibhirine.

« Nous avons conscience d’avoir beaucoup reçu de l’Algérie et à travers elle, de cet islam qui provoque les croyants à rivaliser dans les bonnes actions jusqu’au jour de Dieu. Si un jour, les Algériens estiment que nous sommes de trop, nous respecterons leur désir de nous voir partir. Avec un très grand regret. Je sais que nous continuerons de les aimer tous, ensemble, et vous en êtes. »


Cette lettre est rédigée par Dom Christian, le 28 décembre 1993 (*), à l’attention du Chef du GIA, pour être remise aux islamistes lors d’une prochaine menace. Ce « Chef » est l’homme à la tête du groupe armé du GIA, qui est venu au monastère quatre jours auparavant, la nuit de Noël et a menacé de revenir.

Christian écrit cette lettre avec la mention en bas de page « en réserve » : ainsi les autres moines pourront la remettre aux islamistes s’ils reviennent en son absence.

Délaissant la perspective d’une brillante carrière ecclésiastique, Christian de Chergé décide de quitter la France pour aller vers les pauvres d’Algérie. Il est le fils cadet d’un général dans une famille pratiquante de vieille noblesse française. Son père s’est illustré au côté du maréchal Juin pendant la campagne d’Italie. Elevé avec ses sept frères et sœurs dans la pratique religieuse, il a conscience très jeune de sa vocation.

Ainsi, il entre au séminaire des Carmes à Paris à 20 ans et est ordonné prêtre en 1964. Il se distingue rapidement par son profond recueillement, sa sensibilité et son goût marqué pour la liturgie. Il se voit confier l’école de la maîtrise de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre à Paris. Mais son idée est de partir en Algérie où, enfant, il a vécu pendant trois ans. A ce propos, son frère se souvient :

« A l’époque, il avait été marqué par la façon dont les musulmans priaient Dieu. Notre mère n’avait de cesse de lui dire qu’ils priaient le même Dieu que lui. »

Il fait 27 mois de service militaire dans l’Algérie en guerre. Ainsi, c’est riche de ces souvenirs qu’il entre à Tibhirine en 1971. Le curé de Médéa, le père Mounios se souvient bien de lui :

« C’était un homme d’une grande classe, d’une remarquable intelligence. Grâce à sa finesse, il s’est inséré très vite dans la population locale. »

Dom Christian est un fin connaisseur du Coran, arabisant parfait, il est animateur d’un groupe de dialogue islamo-chrétien (le Lien).

  

(*)Testament rédigé par le Prieur, Dom Christian, fin 1993,
à la suite de la première « visite » du GIA au monastère

S’il m’arrivait un jour – et ça pourrait être aujourd’hui – d’être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j’aimerais que ma communauté, mon église, ma famille, se souviennent que ma vie était DONNEE à Dieu et à ce pays.

Qu’ils acceptent que le Maître Unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal.

Qu’ils prient pour moi : comment serais-je trouvé digne d’une telle offrande ?

Qu’ils sachent associer cette mort à tant d’autres aussi violentes laissées dans l’indifférence de l’anonymat. Ma vie n’a pas plus de prix qu’une autre. Elle n’en a pas moins non plus.

En tout cas, elle n’a pas l’innocence de l’enfance. J’ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble hélas ! prévaloir dans le monde, et même de celui-là qui me frapperait aveuglément. J’aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m’aurait atteint.

Je ne saurais souhaiter une telle mort. Il me paraît important de le professer.

Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j’aime soit indistinctement  accusé de mon meurtre. C’est trop cher payer ce qu’on appellera, peut-être, la « grâce du martyre » que de la devoir à un Algérien, quel qu’il soit, surtout s’il doit agir en fidélité à ce qu’il croit être l’islam.

Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement. Je sais aussi les caricatures de l’islam qu’encourage un certain islamisme.

Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes.

L’Algérie et l’islam, pour moi, c’est autre chose, c’est un corps et une âme.

Je l’ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j’en ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit-fil conducteur de l’Evangile appris aux genoux de ma mère, ma toute première Eglise, précisément en Algérie, et, déjà, dans le respect des croyants musulmans.

Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m’ont rapidement traité de naïf ou d’idéaliste : « Qu’ils disent maintenant ce qu’ils en pensent ! » Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité. Voici que je pourrai, s’il plaît à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui Ses enfants de l’islam tels qu’il les voit, tout illuminés de la gloire du Christ, fruits de Sa Passion, investis par le Don de l’Esprit dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion et de rétablir la ressemblance, en jouant avec les différences.

Cette vie perdue, totalement mienne, et totalement leur, je rends grâce à Dieu qui semble l’avoir voulue tout entière pour cette JOIE-là envers et malgré tout.

Dans ce MERCI où tout est dit, désormais, de ma vie, je vous inclus bien sûr, amis d’hier et d’aujourd’hui, et vous ô amis d’ici, aux côtés de ma mère et de mon père, de mes sœurs et de mes frères et des leurs, centuple accordé comme il était promis !

Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’aura pas su ce que tu faisais.

Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet « A-DIEU »  envisagé de toi.

Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux.

AMEN ! Inch’Allah

Tibhirine 1er janvier 1994

 

 

 

Dom Christian


(
Logiciel AUREAS AstroPC Paris)


 

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