Mathématicien renommé au point que son nom figure parmi les 72 savants de la Tour Eiffel.
Mais ce génie de la géométrie se fait candide face à un faussaire génial auteur d’une incroyable arnaque !

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Michel CHASLES

Né le 15 novembre 1793 sur les dix heures du matin à Épernon Eure-et-Loir 28
(25e jour de brumaire de l’An II de la République)
Selon état-civil – AD28 en ligne – Épernon 1793 - An VII – 3 E 140/010 vue 12/370

 Décédé le 18 décembre 1880 à Paris

 

 

« Empereur de la géométrie »

Nanti par une famille fortunée, il voue sa vie aux mathématiques

Un faussaire affûté appâte un collectionneur trop candide !

Ces manuscrits sèment l’émoi dans la communauté scientifique

 

 

« Empereur de la géométrie »

Le regard de ce savant impressionne, pourtant il va se laisser impressionner par un chenapan futé qui saura profiter de son invraisemblable crédulité !

Pourtant cet homme est une sommité dans le monde des mathématiques au point que son nom figurera en 1889 dans la liste des 72 savants honorés par Gustave Eiffel lors de la construction de sa Tour.

Brillant homme de sciences, Chasles révolutionne la géométrie qu’il fait entrer dans l’ère moderne. Il laisse son nom à un théorème, une relation et une loi.

Ses talents lui valent de devenir à 48 ans professeur à Polytechnique bien qu’il n’ait pas besoin d’un emploi pour vivre eu égard à la fortune de son père.

Puis en 1846, il se voit attribuer une chaire de géométrie supérieure à la Faculté des Sciences de Paris avant d’être élu membre de l’Académie des Sciences et de l’Académie de Bruxelles.

Devenu membre de la Royal Society en 1854, ses travaux de géométrie lui valent la Médaille de Copley en 1865 : la plus haute distinction que l’Angleterre puisse accorder à un savant.

De son côté, un collègue anglais lui décerne le titre d’Empereur de la géométrie.

 

Nanti par une famille fortunée, il voue sa vie aux mathématiques

Fils d’un marchand de bois, entrepreneur des Ponts et Chaussées, conseiller général et président du Tribunal de Commerce, il naît dans une famille fortunée.

Excellent élève, il fait de brillantes études, primé en mathématiques et passionné de géométrie, à 19 ans il intègre l’École Polytechnique.

Déçu de ne pas pouvoir être admis dans les Ponts et Chaussées par manque de place et peu enclin à intégrer l’Armée, Chasles retourne vivre chez ses parents à Chartres, publie des articles.

A 23 ans, il se trouve nanti par son père d’une charge d’agent de change à Paris. Toutefois, il fréquente plus assidument l’Opéra de Paris et l’une de ses danseuses Émilie Bigottini que le monde de la finance.

Une fois liquidée cette charge d’agent de change, il reprend ses publications scientifiques et un concours de l’Académie de Bruxelles lui vaut une large reconnaissance dans le monde de la géométrie.

Vivant à Paris en célibataire endurci, Michel Chasles consacre sa vie aux mathématiques et à son enseignement.

 

Un faussaire affûté appâte un collectionneur trop candide !

Si le nom de cet éminent savant reste indissociable de l’histoire de la géométrie, il s’inscrit aussi dans la plus stupéfiante escroquerie connue.

Il a beau être l’un des plus grands esprits de son siècle, il fait montre d’une renversante naïveté au point d’étonner même son arnaqueur Vrain-Lucas !

Il faut dire que ce faussaire des plus futés ne paie pas de mine mais Beauceron de naissance comme le savant, il a su ferrer sa proie.

En effet, Chasles expert en mathématiques mais ignorant en histoire, a la passion des manuscrits anciens et surtout il est prêt à payer très cher pour acquérir des pièces d’exception.

Aussi, le filou patenté habile en écriture parvient en huit ans à lui soutirer une fortune, 140 000 francs-or en contrepartie de 27 000 pièces qu’il fournit à l’académicien.

De Charlemagne à Attila, de Vercingétorix à Jules César et sa belle Cléopâtre, en passant par Charles Martel et Jeanne d’Arc, et de Christophe Colomb à Rabelais ou de Galilée à Catherine de Médicis… citées pêle-mêle, voici un échantillon des lettres d’exception fournies à Chasles par Vrain-Lucas qui accède aux attentes de l’académicien.

Ainsi ces pseudos manuscrits émanent de nombre de figures historiques mais aussi bibliques.

L’apothéose de la crédulité est atteinte quand apparaît un manuscrit de menace de Caïn à Abel ou la lettre de repentance d’un Judas Iscariote, l’un des apôtres responsable de l’arrestation de Jésus …

 


Cénotaphe au cimetière du
Père-LachaiseChasles fut initialement inhumé.

 

 

Ces manuscrits sèment l’émoi dans la communauté scientifique

Chasles qui ne veut pas garder pour lui de pareils trésors en fait profiter ses collègues académiciens. C’est là que tout se gâte !

Si ses collègues de l’Institut de France prennent la chose avec bonne humeur, les savants étrangers sont en plein désarroi et crient au scandale. A Londres, on parle de misérables falsifications et on se gausse du manque d’esprit critique des scientifiques français.

En 1869, comme Vrain-Lucas tarde à lui livrer quelque 3 000 pièces, le savant demande l’arrestation de son « fournisseur » non pour escroquerie mais par crainte de voir filer à l’étranger ces inestimables richesses !

Quand le procès s’ouvre en 1870, les badauds se bousculent non pour voir l’accusé, petit bossu à lunettes rondes mais bien la victime Michel Chasles dont la dignité en redingote et décorations se tasse sur le banc de la partie civile.

L’ambiance est à la rigolade dans la salle et devant tant de naïveté des cris fusent : « Bonnet d’âne pour l’académicien » d’autant que Vrain-Lucas affirme que c’est l’avidité de l’académicien qui a donné à cette escroquerie toute son ampleur.

Si le géomètre parvient à reconnaître la fourberie dont il est victime, il semble douter encore des années après de la culpabilité du faussaire.

 

Signature de Michel Chasles

 

 

D’un féru de géométrie à un féru d’escroquerie : histoire de Scorpions

Entre Chasles et Vrain-Lucas, c’est une histoire de Scorpion.

Selon leur habitude, ils s’affrontent mais ne se font pas de mal, conscients qu’ils sont de leur mutuelle force magnétique qu’elle soit sublime ou perverse.

Tous deux portent un art inné de la stratégie.

Cela se vérifie quand le géomètre presse l’escroc de fournir les documents pour éviter la fuite à l’étranger de « ces trésors » et quand le filou cupide s’évertue à produire ce qu’attend le savant.

Ici, l’escroc et sa victime sont tous deux porteurs d’une part de génie, l’un fortuné veut satisfaire à tout prix son goût des manuscrits anciens que l’autre sans le sou comble avec une incroyable habileté de faussaire.

 Chasles, par nature, se fait metteur en scène et fin stratège de la géométrie et de ses complexités qu’il sait intuitivement explorer.

 En découvreur curieux et avant-gardiste il est aussi à l’aise pour explorer le monde des mathématiques que Vrain-Lucas l’est pour mitonner des faux très lucratifs et faire rire les badauds du tribunal.

(Soleil-Scorpion avec Mars en Vierge et Pluton au Verseau ; Jupiter maître de l’Asc Sagittaire en XII et affaibli par des aspects mineurs…)

 

Ce clin d’œil récréatif de l’histoire, qui met en scène un savant et un faussaire, nous en dit long sur l’infinie diversité de la nature humaine !

 


Logiciel Auréas Astro PC Paris

 


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