Enfant terrible de l’aviation, elle est la première au-dessus de la Cordillère des Andes,
en 1921, un jour de poisson d’avril !

 

Adrienne BOLLAND
(Adrienne Armande Pauline BOLLAND)

née le 25 novembre 1895 à 7 heures à Arcueil-Cachan Val-de-Marne 94

décédée le 18 mars 1975 à Paris 16e

 

 

C’est sur un vieux biplan d’avant la guerre de 14-18 de 80 cv qu’elle franchit pour la première fois la Cordillère des Andes, le 1er avril 1921. Sa passion de l’air est aussi récente que dévorante d’autant qu’elle se montre très douée en pilotage.

 

Indépendante mais ruinée par sa passion du jeu, à 24 ans, elle décide de faire de l’aviation

Parmi les héros casse-cou du temps où l’aviation improvisait ses meetings, Adrienne tient le haut de l’affiche.

Avec son fichu caractère, un talent fou et une incroyable audace, elle ose  s’aventurer en premier dans un métier où la femme est l’intruse. Elle aime tant voler et comme elle n’a peur de rien ni de personne, elle tient toute sa place au fil d’exploits ahurissants et d’anecdotes burlesques.

Son père d’origine belge exerce la profession de publiciste et possède une propriété dans le Loiret, à Donnery. Petite dernière d’une fratrie de six enfants, elle est une gamine choyée, mais se montre éprise d’indépendance, contestataire et rebelle. Telle est sa nature !

C’est pourquoi, dès qu’arrive la majorité, elle quitte une famille « à principes » pour vivre selon les siens, loin de toute sagesse, et donner libre cours à sa passion du jeu. Des champs de course à la frénésie des tapis verts, elle mène sa vie à un train d’enfer qui, bien entendu, la laisse très vite ruinée. Lors d’une soirée de l’automne 1919, elle se trouve dans un restaurant de Montparnasse. Noyant ses derniers déboires dans le champagne elle monte sur sa chaise pour annoncer son projet fou à l’entourage d’un soir : Cette fois c’est bien fini, je n’irai plus aux courses… je vais faire de l’aviation !

Il se trouve alors un voisin de table pour lui proposer un apprentissage au meilleur coût, dans le tumulte d’un soir où le jeu et l’alcool ne lui laissent pour toute finance que son joli manteau à solder !

 

Apprentie au fichu caractère mais très douée, elle devient pilote d’essais chez Caudron en 1920

C’est ainsi qu’elle rejoint l’école d’aviation des frères Caudron au Crotoy dans la baie de Somme, le 16 novembre 1919. Lors de l’apprentissage, elle se révèle une pilote très douée mais râleuse, cabocharde, ne supportant pas les remarques.

Si sa langue est affûtée pour des réparties cinglantes, elle a aussi la main et le pied lestes et se fait volontiers bagarreuse. Dans ce milieu masculin, malgré sa petite taille, elle sait joindre le geste à la parole pour se faire toujours respecter.

Le 26 janvier 1920, elle est brevetée pilote et devient la 1ère femme de l’après-guerre à obtenir ce diplôme. Elle est aussi la 1ère femme pilote d’essais embauchée par Caudron qui comprend vite l’intérêt d’avoir cette femme hors du commun pour sa réclame d’avionneur.

Comme son rêve immédiat est de posséder un avion, elle consulte son patron qui habilement lui répond : Le jour où vous faites un looping, l’avion vous appartient. Ce genre de défi plaît à Adrienne et quelques jours plus tard, elle réussit non pas une, mais deux grandes boucles. Marché conclu, pari tenu : le Caudron G3 lui appartient !

 

Audacieuse à l’esprit frondeur, elle est la 2e femme à traverser la Manche en 1920

Quand Caudron lui dit : Vous allez être la première femme à traverser la Manche !  Elle est toute excitée à l’idée de suivre la trace de Blériot. Mais au moment de partir, elle apprend que ses copains aviateurs sont à Bruxelles. Alors au nom de l’amitié et aussi par esprit frondeur, elle décide sans rien dire à personne d’aller les retrouver en Belgique pour faire la fête avec l’argent de Caudron. Ce dernier, la croyant perdue en mer, lance des recherches toute la nuit dans la Manche.

Le lendemain, elle apprend cela par ses copains et le journal : « une aviatrice perdue dans la Manche ». Sans le sou (ce sera souvent le cas) pour rentrer à Paris, elle demande une « rallonge » à son patron. Quand Caudron envisage de refuser, elle menace de vendre l’avion. Comme il la sait capable, il lui fait envoyer de l’argent pour rentrer.

Une semaine plus tard, le 25 août 1920, elle devient la seconde femme à traverser la Manche après l’américaine Harriet Quimby en 1912.

Joueuse et provocatrice, lors d’un meeting officiel en 1920, elle se fait prêter le zinc de Caudron à son insu pour faire un tour. Cela se finit bien sauf un malheureux pieu qui vient déchirer le plan inférieur de « son » avion au moment où elle le ramène à « sa » place. Au mécanicien désespéré, elle donne des consignes de réparations rapides pour permettre à son patron de rentrer sans danger.

Plus accaparée par la passion de voler que par les mondanités, lors du 1er tour de France aérien, elle rabroue vertement le ministre Laurent-Eynac, ce qui fait écrire dans la presse : « l’irrévérencieuse Mademoiselle Bolland » !

 

Victorieuse des Andes, le 1er avril 1921, elle est fêtée sur place en véritable héroïne

En décembre 1920, elle part en Argentine faire meetings et démonstrations pour la publicité de Caudron. Mais elle a surtout dans l’idée un défi à la mesure de son talent et de son incroyable audace : franchir la Cordillère des Andes.

C’est folie suicidaire aux yeux du plus grand nombre surtout que son biplan de 80 cv plafonne à 4 300 m. Déterminée, elle veut vaincre cette  invincible montagne. Quand elle s’envole le 1er avril 1921, dans sa carlingue découverte, sans cartes et sans appareil de navigation, elle doit se guider au soleil. Et pour se défendre des condors, elle emporte un poignard !

Pour le froid, elle s’est enveloppée d’un matelas de vieux journaux sous sa combinaison matelassée de papier sulfurisé. Et ses doigts sont protégés tant bien que mal par du papier-beurre.

Aux commandes de son coucou qui bataille contre le vent, elle se souvient des conseils de cette médium inconnue venue la veille dans sa chambre lui dire l’itinéraire à suivre pour s’en sortir victorieusement. 4h 17mn plus tard, quand elle atterrit à Santiago du Chili, elle est harassée de fatigue, frigorifiée, le visage boursouflé et barbouillé de sang, les sourcils givrés… Mais elle est fêtée comme une déesse des Andes par la population locale en l’absence de l’ambassadeur de France qui a cru à un poisson d’avril !

Le succès fait miracle : on la trouvait folle avant son départ, elle est une héroïne quelques heures plus tard.

 

Devenue aviatrice de meetings, ce métier d’ « amuseur de l’air »
lui donne l’occasion de multiples péripéties

Malgré la gloriole des fêtes, décorations et réceptions, elle attend vainement des nouvelles et surtout de l’argent de son patron René Caudron, et pour cause : il s’est fraîchement marié à une horrible jalouse qui fait intercepter le courrier envoyé par l’aviatrice.

Ainsi, au retour d’Amérique du Sud, l’accueil de René Caudron se fait aussi glacial que les cimes des Andes vaincues par l’aviatrice. Peu après, il renvoie Adrienne sans autre motif que la jalousie de son épouse.

Pour vivre de son métier d’aviatrice et remplir un porte-monnaie trop souvent vide, elle devient professionnelle des manifestations, baptêmes de l’air et meetings aériens à partir de 1922.

Cette vie aventureuse et indépendante lui convient avec, en prime, la jubilation de semer par ses fréquentes incartades, une sainte frousse dans l’Administration aéronautique. Au titre de ses compétences de pilote et de son côté d’« incurable emmerdeuse » elle parvient à obtenir le brevet civil de transport public mais… sans passagers ! Ainsi, elle ne peut entrer dans aucune compagnie aérienne.

Le 27 mai 1924, elle s’attaque à un autre défi à la mesure de son sang-froid de casse-cou : tenter le record féminin mondial des loopings. Elle veut du même coup battre le record détenu par Alfred Fronval avec 1 111 loopings. Elle se contenterait de 1 112 loopings ! Sa virtuosité est telle qu’elle est bien partie pour atteindre son but, mais le matériel résiste moins bien que la solide Adrienne.

C’est ainsi qu’elle décroche le record mondial féminin avec 212 loopings en 73 minutes !

 

« A Nice, je me dispute avec un ancien pilote, j’ai passé quarante-deux ans avec lui »

Voici le record dont Adrienne est la plus fière : quarante-deux ans de bonheur ininterrompu avec Ernest Vinchon, aviateur instructeur pendant la guerre de 14-18. C’est un baptême manqué, en 1924, qui est à l’origine de sa rencontre avec celui qui deviendra son mari en 1930. Ensemble, ils se consacrent à l’initiation des jeunes à l’aviation, tout en faisant meetings et manifestations.

Comme tous les aviateurs de meeting, il leur faut bien souvent se débattre avec les tracasseries administratives. Tel ce maire du sud-ouest qui refuse l’autorisation de survol de sa commune de crainte que le bruit des moteurs d’avion ne fasse avorter ses juments poulinières. Inutile de dire qu’Adrienne trouvent des réparties vigoureuses tout en claquant la porte de l’élu. Nullement intimidée par cette interdiction, elle a survolé l’endroit sans avoir jamais eu de nouvelles des fameuses pouliches.

Une autre fois, un préfet, au nom d’une surprenante circulaire, exige que le terrain soit entouré d’une tranchée. Dès l’aurore, il leur faut prendre pioches et pelles pour la creuser et, bien entendu, la reboucher consciencieusement après le meeting.

Il y a aussi ce terrible jour où Adrienne en vol pour un baptême de l’air avec une dame comprend que son avion a été saboté. Ce n’est pas la première fois. Comme toute manœuvre est rendue impossible, son avion percute le toit d’une baraque en planches. Adrienne parvient à protéger sa passagère qui gémit sur ses bas qui ont filé et réclame une piqure antitétanique parce qu’elle s’est foulée le pouce. Hors d’elle, Adrienne rétorque : Allez vous faire piquer où vous voudrez ! Et j’espère que vous en crèverez ! Une fois de plus, la chance a été du côté d’Adrienne la combative !

En 1934, elle s’engage avec Maryse Bastié et Hélène Boucher dans le combat féministe pour obtenir le vote des Françaises, aux côtés de Louise Weiss.

A partir de 1936, pour des raisons de santé, elle abandonne les meetings et manifestations aériennes. Mais elle continue de voler pour le plaisir et aussi au profit des Républicains espagnols dont elle défend la cause.

 

Résistante active pendant le Second Conflit mondial, puis en fin de vie, elle lègue ses biens à la Fondation de la Vocation, avant son dernier envol à 80 ans

Durant l’exode du début de la Seconde Guerre Mondiale, tous ses souvenirs aéronautiques disparaissent dans le pillage de sa maison. Mais cette période troublée incite l’audacieuse aviatrice à affronter de nouveaux défis à la mesure de son inépuisable goût du risque. Ainsi, avec son mari elle rejoint la Résistance et, dès mars 1942, s’y investit à temps plein dans un réseau avec un courage inaltérable. Et en août 1943, quand « Toto » Vinchon est incarcéré, un temps, à Fresnes, elle le remplace avec la même détermination.

Après, la guerre, elle est active dans les associations et notamment celle des femmes pilotes.

Toujours fêtée en Amérique du Sud, elle a, sur le tard, le plaisir d’être enfin reconnue dans son propre pays. Ses dernières années s’écoulent paisiblement dans sa petite maison champêtre près de la Seine.

Elle fait don de tous ses biens à la Fondation de la Vocation afin d’aider, par l’octroi de bourses, les jeunes gens désireux de s’engager dans  la carrière aéronautique. Elle a d’ailleurs déjà beaucoup œuvré dans ce sens puisqu’on lui doit la création de cinq aéro-clubs en province.

Pour une aviatrice pionnière, elle connaît une exceptionnelle longévité car elle décède à près de 80 ans, en mars 1975 à Paris, au terme d’une vie riche en péripéties. Elle repose dans le cimetière de Donnery (Loiret).

 

 

Adrienne BOLLAND


(
Logiciel AUREAS AstroPC Paris)

En astrologie, d'où vient le goût de voler ? Pour en savoir plus : https://www.janinetissot.com/2019/11/12/les-pionniers-de-laviation/


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