Premier écrivain rallié à la cause féministe, cet académicien attire la foule au Collège de France en 1848 quand il parle de l’Histoire morale des femmes

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Gabriel Jean Baptiste Ernest Wilfred LEGOUVÉ

Né le 15 février 1807 à Paris
(heure de naissance inconnue – acte absent des actes reconstitués – Arch. Paris en ligne)

 Décédé à Paris le 14 mars 1903

 

 

 

Son cours hebdomadaire au Collège de France est un évènement

La Révolution avait échoué parce qu’elle n’avait rien fait pour l’émancipation des femmes.

La liberté des femmes est l’une des conditions de la liberté des hommes.

Orphelin richement doté, il peut donner libre cours à l’écriture

Un révolutionnaire sage et clairvoyant défenseur du féminisme

 

 

Son cours hebdomadaire au Collège de France est un évènement

A la fois oublié et méconnu, cet homme de plume du 19e siècle fait figure d’extraordinaire précurseur en parfait écho avec l’émergence du mouvement féministe au cours de ce bouillonnant printemps 1848.

Ses propos sur la place des femmes dans la société conservent une étonnante modernité.

Son ouvrage L’histoire morale des femmes paru en 1848 connaît un grand succès en librairie et donne à son auteur une réputation de premier écrivain rallié à la cause féministe.

Ce texte qui a servi de base à ses cours au Collège de France est traduit aux États-Unis, Italie, Espagne et Suède. 

A partir d’exemple, il y dénonce l’infériorité sociale et juridique des femmes.

Chaque mercredi depuis avril 1848 et pendant plusieurs mois, près de 500 personnes dont beaucoup de femmes se pressent dans le grand amphithéâtre du Collège de France.

Pour l’historienne américaine Karen Offen, le cours d’Ernest Legouvé est l’un des faits majeurs du printemps 1848.

C’est l’époque où le mouvement féministe vient d’émerger avec Jenny d’Héricourt, Eugénie Niboyet ou Pauline Roland.

 


Ernest Legouvé à sa table de travail

 

La Révolution avait échoué parce qu’elle n’avait rien fait pour l’émancipation des femmes.

Ce propos d’Ernest  Legouvé est pour le moins révolutionnaire en ce milieu du 19e siècle où la femme occupe encore et pour un siècle durant un état d’infériorité sociale et juridique.

A côté des mots égalité et liberté, notre drapeau porte le mot sublime de fraternité ; mais il ne suffit pas que ce mot soit écrit sur un lambeau d’étoffe, il ne suffit même pas qu’il passe dans les lois, c’est dans les cœurs qu’il faut le graver ! La fraternité parle au nom de l’amour, et la fraternité, c’est l’âme même des femmes. Que cette âme soit donc mêlée à la vie tout entière de la France, et qu’elle vivifie la famille qu’elle circule dans la société.

Pour lui le mariage doit être fondé sur l’amour des conjoints et le libre consentement de la jeune fille. Il considère que le code Napoléon est une régression : ce mariage bourgeois est le contraire même du mariage car l’un des associés n’a pouvoir ni sur ses biens, ni sur sa personne.

Quant au devoir conjugal : une règle jugée humiliante alors qu’elle ne peut se justifier que par l’affection.

L’adultère puni sévèrement chez la femme semble presque toléré chez le mari, sans parler du sort réservé aux filles-mères et l’interdiction faite des recherches de paternité.

Il revendique pour les femmes le droit d’exercer une profession, gage de leur autonomie et pour cela il faut développer des universités féminines pour leur permettre l’accès aux études supérieures.

 

La liberté des femmes est l’une des conditions de la liberté des hommes.

Une servitude crée toujours deux esclaves, celui qui tient la chaîne et celui qui la porte.

Ses prises de position avant-gardistes sur la cause féministe sont complétées par ses conférences sur les droits des femmes et l’éducation des enfants qu’il préconise égalitaire pour les filles et des garçons.

Héritier d’ancêtres imprimeurs-libraires à Montbrison à la fin du 17e siècle, puis d’un grand-père devenu avocat au Parlement de Paris, il est le fils de Gabriel Legouvé, poète et auteur dramatique, académicien et déjà féministe car il est l’auteur en 1801 du Mérite des femmes, ouvrage poétique qui fait l’éloge des femmes.

Ernest Legouvé n’a que 17 ans quand il s’éprend de Georgina âgée de 20 ans dont la famille s’oppose à  l’idylle, eu égard au jeune âge de l’amoureux.

Mais dix ans plus tard, les jeunes gens encore célibataires se retrouvent et s’épousent aussitôt en 1834. Puis ils mettent en pratique leur nouvelle conception du couple : ils privilégient l’amour conjugal et décident d’élever eux-mêmes leurs deux enfants au lieu de les mettre en nourrice.

Autre proposition révolutionnaire émise par ce novateur : un droit au divorce établi « temporairement », le temps que la société évolue vers un mariage qui, fondé désormais sur l’amour, n’aura plus besoin d’être rompu. Car pour Ernest Legouvé, l’indissolubilité du mariage favorise en fait, l’hypocrisie, la bigamie pratiquée quasi ouvertement, les enfants adultérins.

 


La Maison Rouge à Seine-Port

 

Orphelin richement doté, il peut donner libre cours à l’écriture

Orphelin de mère à 3 ans et de père à 5 ans, il est élevé avec tendresse par sa grand-mère maternelle tandis que son tuteur - ami de son père - est un auteur dramatique qui lui fait découvrir le milieu littéraire parisien.

Après des études de droit, il hérite à sa majorité d’une belle fortune, gage d’une indépendance financière appréciable pour cet écrivain romantique du 19e siècle.

Il voyage en Allemagne, Suisse, Italie, et cultivera toute sa vie le sens de l’amitié. Et quels amis ! Victor Schoelcher, Eugène Labiche, Hector Berlioz… et aussi Eugène Scribe, Prosper Goubaux… avec qui il écrit de nombreuses pièces de théâtre souvent jouées à la Comédie Française.

Ami de nombreux musiciens, il écrit aussi des opéras comiques.

Il reçoit ses amis chaque semaine dans son hôtel particulier de la rue Saint-Marc puis après 1834 dans sa maison de campagne de Seine-Port (près de Melun).

Quand s’installe la IIIe République, ce républicain réputé sage et modéré est choisi comme inspecteur général de l’Instruction publique et directeur des études de l’École Normale Supérieure de filles fondée à Sèvres en 1880.

Ses principes d’éducation conviennent au ministre qui juge « rassurantes » ses idées sur la famille.

 

Source documentaire :
Revue Village de Forez n°116 octobre 2012 - article de Claude Latta - "Les Legouvé : Histoire d'une famille originaire de Montbrison"
Revue d'histoire locale du Centre Social.

 

 

Un révolutionnaire sage et clairvoyant défenseur du féminisme

En l’absence d’heure de naissance, l’aperçu du caractère d’Ernest Legouvé est très partiel. 

Toutefois, ce natif du Verseau est de la trempe des précurseurs ingénieux et inspirés. Cette influence lui donne aussi un sens aigu de l’amitié.

Aider les femmes à sortir de leur condition très dépendante, interpelle fort cet indépendant de nature qui veut les libérer de leur condition aliénante et les aider sur la voie d’une légitime autonomie.

La plume de ce Prométhée du féminisme qui veut changer la société humaine, lui dicte la citation suivante :

Une servitude crée toujours deux esclaves, celui qui tient la chaîne et celui qui la porte.

Et tout naturellement, il préconise une éducation égalitaire des filles et des garçons et leur droit à exercer une profession.

Avoir raison d’avance et œuvrer pour le bien du devenir des femmes et de l’humain, telles sont les idées équitables et révolutionnaires de ce clairvoyant Ernest Legouvé.

 

à Montbrison, une rue porte le nom de sa famille
(avec un accent en trop !)

 


(
Logiciel AUREAS AstroPC Paris)

 

 


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