Dominique Jean LARREY
Né le 8 juillet 1766 à Baudéan 65 Hautes-Pyrénées,
selon acte de baptême sans heure de naissance
Décédé à Lyon le 25 juillet 1842 à 17 heures (le soir à cinq heures)
selon acte de décès n°3298
Elève brillant et ambitieux, la médecine le passionne et surtout la dissection anatomique
Devenu à 4 ans orphelin de son père, cordonnier du village, il est confié à l’abbé Grasset curé de Baudéan. Ce dernier remarque chez ce jeune élève des qualités de courage, d’intelligence et de sens de l’honneur. Attiré déjà par la médecine, à 14 ans il rejoint – en 5 jours de marche à pied - son oncle Alexis Larrey chirurgien à Toulouse. Accueilli avec enthousiasme, il se passionne pour les cours de dissection anatomique. Elève brillant, il devient assistant, et à 20 ans, sort 1er au concours d’aide-major de l’Hôpital de la Grave.
Ambitieux, il veut conquérir la gloire à Paris qu’il rejoint au bout de 6 semaines d’une marche à pied harassante à travers le Quercy et le Limousin. Recommandé par son oncle, il est introduit dans la Clinique Chirurgicale de l’Hôtel-Dieu. Un an plus tard, pour présenter le concours de chirurgien major de la marine royale, il part à pied pour Brest. Classé 1er, avant d’embarquer sur la frégate « la Vigilante, il suit la prestigieuse école de médecine de cette ville. Malgré ses qualités et l’excellence de son travail, il demande à être licencié, tant la vie de marin n’est pas faite pour lui qui a le mal de mer.
C’est en tant que chirurgien de l’armée de Corse, qu’il découvre le général Bonaparte en 1794.
De retour à Paris, il reprend ses études et donne des cours d’anatomie et d’obstétrique pour gagner ses moyens de subsistance. C’est la tourmente révolutionnaire, Larrey se retrouve en 1792, à 26 ans, chirurgien de l’armée du Rhin. Dès cette 1ère campagne, il conçoit « les ambulances volantes » et le « chirurgien combattant ».
En 1794, à Toulon en tant que chirurgien en chef de l’armée de Corse, il se trouve séduit par le dynamisme et l’autorité du jeune général Bonaparte.
En 1795, il fonde avec Desgenettes, le service de santé (ancêtre de la société de médecine militaire).
Avant Henri Dunant et Gustave Moynier, créateurs de la Croix-Rouge, Larrey réalise sur le terrain l’ancêtre de cette organisation humanitaire.
En 1796-1797, il participe à la campagne d’Italie et alors met en pratique les ambulances volantes qui permettent de courir enlever les blessés sous le feu des batteries ennemies. La célébrité de ces ambulances judicieusement organisées, contribue grandement à l’ascension glorieuse de Larrey.
A partir de 1798, il va connaître 17 ans d’épopée commune avec Bonaparte qui deviendra Napoléon 1er. Ainsi, lors de la campagne d’Egypte, Larrey fonde une école de chirurgie au Caire. Il soigne avec Desgenettes, l’épidémie de peste qui ravage les troupes.
De retour à Paris, Bonaparte le nomme chirurgien en chef de la Garde des Consuls et de l’Hôpital de la Garde. Il est le 1er docteur en chirurgie de l’histoire du monde médical.
La bataille d’Iéna est la seule où Dominique Larrey est absent, car il est alors en réserve avec la Garde Impériale.
Courageux, doté d’une énergie surhumaine, son dévouement exemplaire aux blessés vaut à ce chirurgien d’exception, d’être décoré, en plein champ de bataille, par Napoléon.
Lors da la campagne de Prusse et de Pologne (1806-1807), la bataille d’Eylau le met à rude épreuve pendant 24 heures avec 3 000 tués et 7 000 blessés. Dans ses mémoires, il écrit « je conservais heureusement une force surnaturelle ». Ceci lui vaut d’obtenir sur-le-champ la Croix de Commandeur de la Légion d’Honneur par Napoléon passant près de son ambulance. Ce dernier lui remet aussi sa propre épée gravée à son nom pour remplacer celle de Larrey dérobée par les Russes.
Lors de la campagne d’Espagne, c’est Percy qui est chef du service de santé, mais Larrey s’y fait remarquer par son humanisme. En effet, il dispense ses soins à quiconque en a besoin sans distinction de nationalité. Il demande une grande première : la création d’un « hôpital destiné à l’ennemi ».
Après un court répit, Larrey part en 1809 pour la campagne d’Autriche où son activité à Wagram, est débordante : 1 200 blessés, 300 amputations. (En l’absence d’antibiotiques, l’amputation est la seule asepsie efficace). L’Empereur lui décerne, là aussi sur-le-champ, le titre de Baron et une rente annuelle de 5 000 francs. Puis pendant 2 ans (1810-1812), il reprend son activité de temps de paix à l’Hôpital de la Garde « le Gros Caillou » à Paris.
Mais il doit repartir pour la plus cruelle de toutes les campagnes, celle de Russie où sur 500 000 hommes, il n’en restera que 10 000. En 1812, Larrey pratique 200 amputations. Dans une ambiance glaciaire sans soutien logistique vestimentaire et nutritionnel , Larrey poursuit, sans relâche, ses actes de soins. Cela lui vaut l’admiration et la reconnaissance des soldats.
Pendant la campagne d’Egypte, on le surnomme la providence du soldat.
Atteint du typhus, il sera guéri par le Dr Jacobi.
Quand démarre la campagne de France en 1814, c’est la 24e campagne consécutive de D. Larrey.
Lorsque Napoléon, défait, part en exil à l’île d’Elbe, Larrey demande à le suivre mais l’Empereur refuse estimant que son chirurgien peut être encore plus utile aux vieux soldats de la Garde. Jusqu’en 1817, il se consacre à la rédaction en 5 volumes, de « Mémoires et campagnes », comme un traité de chirurgie.
Malgré son passé prestigieux largement honoré, ce chef charismatique montre un caractère impossible en fin de carrière.
Sa glorieuse carrière de chirurgien combattant ne lui évite pas la répression de la 2e Restauration où ses fonctions et sa pension sont supprimées. Mais à la suite d’un rapport élogieux les Chambres votent le rétablissement de cette pension. Les honneurs dus à son mérite et à son rang lui valent d’être Président en 1806 de la Société de médecine de Paris, membre de l’Académie Royale de médecine en 1820, puis élu en 1829 à l’Académie des Sciences.
Quand éclate la révolution de 1830, Larrey encore chirurgien de l’hôpital du « Gros Caillou » soigne les blessés. Un soir que les émeutiers réclament les blessés de la Garde Royale, le vieux soldat Larrey s’y oppose avec fermeté :
Sachez que ces malades sont à moi, que mon devoir est de les défendre et que le vôtre est de vous respecter, vous-mêmes en respectant des malheureux.
Pendant ses dernières années de chirurgien militaire, Baron d’empire il montre un caractère exigeant, autoritaire, sans clémence, ni patience. Malgré son passé prestigieux, il agace tant l’administration de l’Hôtel des Invalides par ses sautes d’humeur et ses revendications qu’on lui confie des missions à l’étranger. A ce titre, il visite la mère de Napoléon, presque centenaire et aveugle, qui embrasse avec émotion le fidèle chirurgien de l’empereur.
En 1838, admis à la retraite à 72 ans, il en conçoit une profonde amertume, dont il ne sort que le 14 décembre 1840 pour le retour des cendres de Napoléon. Malgré le grand froid, il assiste impavide, à la cérémonie et ses cheveux blancs rappellent les neiges de la campagne de Russie. Revêtu de son uniforme de Wagram, il se tient droit de fierté au bras de son fils le Baron Félix Hippolyte Larrey, chirurgien militaire comme lui.
Statue de Larrey dans la cour de l'Église du Val-de-Grâce
Que ce soit sous la mitraille ou dans son hôpital, ce chirurgien de l’urgence se révèle un humaniste charitable et compatissant, et aussi un formateur passionné.
D’un abord rude voire brutal, Larrey est un altruiste qui se montre charitable envers tout blessé quelle que soit sa nationalité, sans distinction entre les Français et leurs ennemis. « Tout blessé ramassé devient « son blessé ».
Que ce soit en Espagne, en Pologne, en Prusse ou en Russie, il parcourt l’Europe, de combats en bataille pendant 25 ans, pour donner ses soins à tous les blessés.
Ainsi, en Egypte, il traite même les populations locales atteintes par la peste.
Pendant la bataille de Waterloo, Larrey se déplace, sans cesse, secourant les blessés sous la mitraille. Alors Wellington surveillant ce combat du haut du mont Saint Jean, demande : « Quel est cet audacieux ? » Apprenant qu’il s’agit de Larrey il ordonne aussitôt :
Allez dire de ne pas tirer de ce côté pour laisser à ce brave le temps de ramasser ses blessés.
Se découvrant alors, il dit au duc de Cambridge en désignant de son épée Dominique Larrey :
Je salue l’honneur et la loyauté qui passent.
Cette attitude lui vaut la survie dans la débâcle de Waterloo, alors que fait prisonnier, il doit être fusillé.
Avec patience et passion il se consacre à la formation des jeunes chirurgiens militaires aussi bien sur le terrain dans l’action des ambulances volantes que dans les hôpitaux. Partout où il passe il crée des écoles d’instruction, comme au Caire, à Madrid, à Berlin… Il se révèle aussi un brillant enseignant tant pour la médecine clinique qu’opératoire. Doué d’un sens aigu d’observation, il s’intéresse à tous les faits pathologiques et ramène aussi de ses campagnes, des notations de climatologie et d’ethnologie.
La vie familiale de Dominique Larrey est aussi sereine et réconfortante que sa carrière d’homme de guerre est turbulente. Marié en 1794 à Marie Elisabeth Leroult de Laville, il ne connaît qu’épisodiquement la vie de famille. Il a une fille Isaure née en 1798 et un fils Félix Hippolyte né en 1808. Son épouse compréhensive et d’excellente éducation est appréciée dans les salons parisiens pour sa grâce et son talent de peintre.
Au fil des campagnes, Larrey, lucide sur la frénésie de domination de l’empereur et conscient de l’horreur humanitaire de la guerre, demeure cependant fidèle à l’Empereur qui l’honore ainsi dans le mémorial de Saint Hélène :
C’est le plus honnête homme que j’aie rencontré, un constant et héroïque ami du soldat, vigilant, toujours sur pied, toujours soignant les blessés, les visitant, les consolant. J’ai vu Larrey sur le champ de bataille, suivi de ses jeunes chirurgiens, chercher sans relâche un signe d’animation dans les corps étendus sur la terre.
Ainsi Napoléon 1er et Dominique Larrey, par leurs destins associés et complémentaires, donnent une image glorieuse de l’épopée napoléonienne qui s’illustre par le généralissime victorieux des batailles et son chirurgien vainqueur des misères.
Tombe de Larrey au cimetière du Père-Lachaise, portant l'épitaphe :
« A Larrey, l'homme le plus vertueux que j'aie connu, » extrait du testament de Napoléon
(Logiciel AUREAS AstroPC Paris)
Retrouvez l'acte sur les Archives Départementales Françaises en ligne |