Père de la juridiction administrative, trublion républicain agité au cœur du Second Empire, par le verbe et la plume sa vie durant, ses sentiments sont guidés par « l’amour du droit et le dévouement à la République ».

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Edouard JULIEN-LAFERRIERE

Né Louis Edouard Julien-Laferrière le 26 août 1841 à 22h à Angoulême Charente 16
Selon acte n°353 – Archives municipales d’Angoulême en ligne – 1 E 124 – vue 85/141

 Décédé le 2 juillet 1901 à Bourbonne-les-Bains Haute-Marne

 


« Nouveau Larousse Illustré » page 528 tome 5 (1907)
Merci à Jean Julien-Laferrière pour ses recherches et cette transmission.

 

Insurgé contre l’autoritarisme impérial, il choisit le barreau réputé nid de Républicains

Trop libéral et trublion, il connaît la prison sous le Second Empire

Maître des requêtes au Conseil d’Etat à 29 ans…

Son traité sur le contentieux administratif est référence pendant plus de 50 ans

Un artisan humaniste bâtisseur du droit et de la République

 

 

Insurgé contre l’autoritarisme impérial, il choisit le barreau réputé nid de Républicains

Trente ans de Conseil d’Etat dont douze de vice-présidence, légiste, Edouard Julien-Laferrière commet l’exploit d’engendrer le traité de juridiction administrative et se fait le père du monumental Droit du contentieux administratif aussi ennuyeux qu’indispensable à la bonne santé de la vie administrative et institutionnelle.

Issu d’une famille de drapier bordelais, le jeune Edouard fait ses humanités avant de suivre le chemin du droit sur les traces de son père, professeur de droit administratif à la faculté de Paris. Mais le décès brutal de ce dernier l’amène à choisir une carrière.

Au grand dam de sa mère, il préfère le barreau réputé être un « repaire de Républicains brailleurs et bagarreurs », séduit qu’il est par Ernest Picard « terreur du barreau, ténor du Second Empire déclinant ».

 


Caricature d’Edouard Laferrière "Le scieur Laferrière" par André Gill.
Publié dans L'Eclipse du 4 Septembre 1869

 

Trop libéral et trublion, il connaît la prison sous le Second Empire

Jeune avocat de 26 ans, opposant au régime autoritaire de Napoléon III, Laferrière « qui n’aime pas se taire » s’agite sans répit à la barre du tribunal sous la houlette aussi d’un certain Jules Ferry.

Et aussi dans la presse, où dès 1864 sa plume de journaliste critique de façon virulente le Second Empire, notamment dans Le Rappel et Le Réveil.

Cela lui vaut d’être arrêté en 1866 pour « complot contre la sûreté de l’Etat » et emprisonné, le voilà dressé dans sa cellule, il harangue ses gardiens : « qu’on m’apporte les preuves de mon complot !... »

Provisoirement libre, il publie son assignation et à la barre assure lui-même sa défense sans « réserve ni modération », à la manière de quelque héros de la Rome antique.

En effet, devant l’incapacité du tribunal à apporter des preuves de son complot, Laferrière proclame :

« Si l’on veut que nous respections ceux qui exercent le pouvoir, il faut qu’eux-mêmes nous respectent et surtout la loi qui est la leur comme la nôtre. Sans cela nous ne pouvons que la subir et voir en eux des adversaires contre lesquels nous demandons des juges. »

De novembre 1868 à avril 1869, Laferrière collabore à la rédaction du journal Le Palais dont le rédacteur est Maurice Joly. Mais cette collaboration prend fin quand les deux hommes en avril 1869 s’affrontent en duel dont Laferrière sort vainqueur sous le regard bienveillant de Jules Ferry qui est un de ses témoins.

En mai 1870, il crée le journal d’opposition La Loi qui ne paraît que quelques mois, jusqu’en septembre de la même année.

 

Maître des requêtes au Conseil d’Etat à 29 ans…

La défaite de Sedan et la proclamation de la République viennent chambouler le destin de Laferrière qui, aidé par ses amitiés républicaines du barreau, se voit nommé le 14 septembre 1870 maître des requêtes à la Commission provisoire qui remplace le Conseil d’Etat. Il a seulement 29 ans.

Un temps directeur des cultes au ministère de l’Intérieur, il accède bientôt à la présidence du Conseil d’Etat où il va devenir l’un des premiers magistrats de la République.

Dès lors, s’ouvre pour Laferrière, une immense carrière au Conseil d’Etat où il exerce une influence majeure sur la jurisprudence administrative.

 

 

Son traité sur le contentieux administratif est référence pendant plus de 50 ans

Soucieux de pédagogie, il inaugure en 1883 un cours de doctorat à la faculté de droit de Paris qu’il intitule : La Juridiction administrative et les recours contentieux.

Cette courte expérience d’enseignement, lui inspire le départ de son Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux. Cette œuvre publiée en 1888 est fondatrice du droit administratif moderne. Cet ouvrage réédité en 1989, est référence pendant plus d’un demi-siècle en matière de contentieux administratif.

Nommé vice-président du Conseil d’Etat en 1886, il s’attachera à accroître le rôle de cette institution publique - fondée en 1799 par Napoléon Bonaparte - dans la procédure législative et réglementaire, développer son activité contentieuse, défendre son renom et son prestige.

En juillet 1898, il quitte le Conseil d’Etat pour devenir gouverneur général de l’Algérie. Dès son arrivée, il crée les délégations financières, assemblée consultative où siègent à la fois européens et indigènes.

Malade, il rentre en France métropolitaine en décembre 1900, date à laquelle il devient procureur général près la Cour de cassation.

Ce vénérable des prétoires meurt en cure thermale au retour d’un bain de boue d’une phlébite mal soignée !

 

Sources documentaires :
-          « Journal Spécial des Sociétés » – 13 décembre 2017 – n°95 – Eloge d’Edouard Julien-Laferrière par Jean-François Morant, premier secrétaire de la Conférence du barreau de Paris, communiqué aimablement Jean Julien-Laferrière.
-         
Notice biographique d'Edouard Laferrière [archive]
-          Wikipedia

 

 

Un artisan humaniste bâtisseur du droit et de la République

Gratifié d’un égal goût du détail et d’un esprit de synthèse, Edouard Julien-Laferrière a le talent qu’il faut pour la harangue publique avec fougue, rigueur, clairvoyance et humanisme.

Héritier des valeurs conjuguées du Cancer, Lion, Vierge, et aussi de l’irascible Taureau, il en a l’esprit fort, déterminé et porté vers la chose publique pour éclairer jusqu’au bout son époque…

Fin stratège, il a l’audace de la critique ajustée et cinglante, sans crainte de représailles qui ne manquent pas d’arriver mais qui lui permettent encore de dire haut et fort ce qui lui paraît juste au nom de la loi qui lui est si chère.

Au service des humains de son temps et pour les aider dans leur devenir, ce bâtisseur infatigable voue sa vie à dire et à faire ce qui sert la République et le droit.

Au soir de sa vie, ces quelques mots prononcés par ce héros des prétoires résument le destin de cet artisan humaniste :

…l’amour du droit et le dévouement à la République.

 

Merci à Jean Julien-Laferrière de m’avoir fait connaître

son ancêtre fameux dans l’histoire du droit administratif.

 

 


(Logiciel AUREAS AstroPC Paris)

 


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