Emile FRADIN
(Gilbert Emile Fradin)
Né le 8 août 1906 à "8h du matin" à Ferrières-sur-Sichon Allier 03
Selon acte n°29 Archives Municipales
Décédé le 11 février 2010, Le-Mayet-de-Montagne Allier 03
Une vache des Fradin « découvreuse de civilisation inconnue » le 1er mars 1924
En ce beau matin du 1er mars 1924, Emile Fradin, fils de paysans du hameau de Glozel dans la montagne bourbonnaise est en compagnie de son grand-père, son père et sa sœur. Ils sont occupés à défricher le champ Duranthon pour le mettre en pacage.
Emile qui a 16 ans, et fier de « faire l’homme », tient les mancherons de la charrue. Vers 11 heures, dans un endroit moins fertile du champ, le soc de la charrue soulève une brique qu’Emile ramasse. A ce moment, le sol s’effondre et l’une des vaches attelées, tombe dans le trou qui vient de se former.
Les paysans dégagent la bête sans encombre. Et par la suite, par fidélité à cette vache, « découvreuse de civilisation inconnue », ils s’attacheront à lui assurer une descendance pendant cinquante ans !
Equipés de pelles et de pioches, les hommes se mettent à creuser et dégagent une grande fosse ovale dallée, d’où ils sortent des ossements, des instruments en pierre ou en os, des fragments de céramique… et un crâne entier qui, ramené à la ferme, aura le don d’affoler la grand-mère d’Emile très croyante.
Ils comprennent qu’il s’agit d’une tombe et ce terrain sera bien vite baptisé « Le Champ des Morts ».
Tout d’abord persuadés d’avoir trouvé là un trésor, les Fradin commencent des fouilles avec entrain, mais aussi n’importe comment. Et quand ils déterrent des vases, ils les brisent aussitôt, cherchant en vain bijoux ou argent qui manquent tant dans leur petite ferme.
Grâce au Docteur Morlet, les fouilles réalisées pendant 16 ans font sortir plus de 3 000 objets et des tablettes gravées d’une écriture inconnue
La nouvelle de cette découverte se répand vite et les voisins viennent pour voir, creuser et emporter quelques objets en souvenir.
L’institutrice aussi se rend sur place et informe notamment l’Inspection d’Académie.
Dès lors, le site attire des curieux de tous poils dont certains voudraient même s’attribuer la découverte.
Puis un jour le Dr Morlet, médecin vichyssois, féru d’archéologie, vient découvrir le site.
Cet homme est impressionné par la découverte qui le passionne d’emblée. De plus, il fait bonne impression et inspire confiance à la famille Fradin.
C’est ainsi qu’il sera avec Emile Fradin le plus ardent défenseur de Glozel. Pour lui les objets découverts témoigneraient de la période néolithique.
Antonin Morlet décide de financer lui-même de nouvelles fouilles et propose de louer le champ des Fradin pour 200 francs par an, en leur laissant la propriété de tous les vestiges mis au jour, et en se réservant le droit de publier les informations liées aux découvertes.
Ainsi, pendant 16 années, il réalise à ses frais, des fouilles qui permettent de trouver plus de 3 000 objets et de nombreuses tablettes gravées d’une étrange écriture ainsi que des galets gravés, des idoles sexuées, des empreintes de mains, des objets en pierre taillée et polie, en verre, en os, en céramique et en bois de cervidés…
La théorie de l’origine de l’écriture au Moyen-Orient est remise en cause, déclenchant la guerre chez les hommes de sciences.
Le Dr Morlet fait de nombreuses publications sur ses trouvailles.
A propos des inscriptions, pour lui, il ne fait aucun doute que les auteurs des objets découverts à Glozel avaient développé un système d’écriture bien antérieur à celui des Phéniciens et à ce sujet publie un article en avril 1926.
Ces signes écrits, étranges qui ressemblent à l’écriture et que personne ne sait lire, déclenchent une des plus violentes controverses archéologiques de notre époque. Elle voit s’affronter des savants éminents et des experts réputés. Et par contre coup médiatique, même dans le grand public, il y a les « pro-glozéliens » et les « anti-glozéliens ».
Si la découverte de Glozel dérange tant la communauté scientifique, c’est qu’elle remet en question la théorie de l’origine de l’écriture au Moyen-Orient (1 600 ans av. J.C.), alors que Morlet parle de 5 000 ou 6 000 ans avant notre ère, pour les signes découverts à Glozel. Dès lors, l’écriture serait-elle une invention européenne ?
Quand le signe écrit a-t-il été tracé pour la première fois ?
Cette question arrive précisément au moment où l’épigraphiste orientaliste de renom, René Dussaud, vient de sortir une publication sur le sujet.
Le site de Glozel voit la visite d’une multitude de savants, qui se montrent d’abord fascinés mais bien vite va naître, entre eux, une polémique. Et certains, davantage soucieux de leur aura personnelle que de l’intérêt scientifique, n’hésitent pas à parler de faux et même à traîner Emile Fradin en justice, comme faussaire et escroc.
Ce jeune paysan, ignorant tout de la Préhistoire et de l’archéologie, est alors soupçonné d’avoir fait et gravé lui-même ces objets !
Il est inculpé le 4 juin 1929, suite à la plainte de la Société préhistorique française.
Le Procureur de la République de Cusset, Antonin Besson, ne s’y trompe pas, et convaincu de l’innocence d’Emile Fradin délivre une ordonnance de non-lieu le 26 juin 1931, confirmée par la Cour d’appel de Riom le 30 juillet 1931.. Ce magistrat deviendra, plus tard, procureur général près la Cour de Cassation.
Ainsi, après moult tracasseries et turpitudes (perquisitions, agressions verbales et physiques), Emile et sa famille retrouvent l’honneur perdu, sachant que ces démêlés judiciaires ont fait grand tracas chez les Fradin et leur voisinage et grand bruit dans ce coin de campagne bourbonnaise.
Glozel et son site archéologique attirent le public et des savants du monde entier
Comme les objets trouvés sont nombreux et attirent de plus en plus de visiteurs, Morlet conseille à Emile Fradin de leur attribuer un local spécial où ces pièces d’archéologie seraient entreposées dans des vitrines fournies par le docteur. Dès lors, naît le musée de Glozel au sein même de la ferme des Fradin. Il y a un droit d’entrée et les visites se multiplient.
Les journaux parlent de Glozel, des bistrots s’y installent en 1928. Des savants du monde entier débarquent à Glozel et visitent le « Champ des Morts ».
Ce hameau devient un lieu touristique prisé, notamment par la riche clientèle des curistes de Vichy tout proche.
En 1926, le Roi de Roumanie Ferdinand 1er, en cure dans cette station thermale s’y rend en visite.
La même année, l’abbé Breuil, surnommé « Le pape de la Préhistoire » vient visiter et fouiller le gisement. Mais comme il se fâchera avec le Dr Morlet, il devient par la suite, anti-glozélien.
« Glozel est vrai. Et je veux qu’on le dise ».
A partir de 1933 jusqu’en 1950, la paix semble revenue sur l’affaire Glozel. Le Dr Morlet poursuit les fouilles jusqu’en 1936.
Emile Fradin s’est marié le 10 avril 1945 avec Marie-Thérèse Cote.
A partir des années 1950, le Dr Morlet entreprend les démarches nécessaires pour authentifier le site, compte tenu des nouvelles techniques.
A partir des années 1960, la télévision et le cinéma évoquent le sujet de Glozel.
Le Dr Morlet décède en 1966 et c’est un choc considérable pour Emile Fradin qui vient également de perdre sa mère.
Dans les années 1970, la datation par le carbone 14 et la thermoluminescence apportent la preuve de l’authenticité des objets trouvés à Glozel.
Compte tenu que l’ancienneté des objets trouvés à Glozel est confirmée, le ministère de la Culture fait procéder en 1982 à quelques travaux sur le site.
Le 17 juin 1990, Emile Fradin, qui a su demeurer « le gardien du temple de Glozel » depuis 1924, reçoit les palmes académiques et la médaille du Conseil Général de l’Allier. Il a 86 ans.
Alors qu’il est âgé de 90 ans, un ouvrage paraît, retraçant ses années de lutte pour faire triompher la vérité : « Glozel et ma vie » dont voici les dernières phrases : « Glozel est vrai. Et je veux qu’on le dise ».
Voici un extrait de l’ouvrage biographique d’Emile Fradin :
Les jours passent. On parle de Glozel, on n’en parle plus, et on en parle de nouveau. Du moins, au lieu de s’invectiver comme par le passé, on s’interroge. C’est déjà quelque chose. L’énigme demeure, pour une large part. Un jour ou l’autre, on la percera. Il n’est rien de l’histoire des hommes qui ne puisse être déchiffré par les hommes. Mais l’histoire est longue, j’ai appris cela, et ses voies capricieuses.
A moi, que me reste-t-il ?
Jeune homme, je voulais quitter Glozel. Ça ne me plaisait pas de travailler la terre. La découverte, les fouilles, la nécessité d’être sur place pour me battre à une époque où mon honneur et celui de ma famille en dépendaient, m’ont obligé à rester à la ferme. Aujourd’hui, je ne quitterais plus cet endroit pour rien au monde.
Et puis il y a les choses, ces choses qui sont là, qui dorment dans le musée, et qui me retiennent. Il y a cinquante-cinq ans que je vis avec elles et quelles vivent en moi. Et cinquante-cinq ans, c’est la vie d’un homme.
Il m’arrive souvent, seul dans le musée de m’arrêter. Je me surprends alors à rêver à ces gens, les Glozéliens. Nous ne savons rien d’eux, ou si peu, et j’ai pourtant, à certains moments, le sentiment de vivre dans leur intimité. Et j’imagine…
Sources documentaires :
http://www.museedeglozel.com/Emile.htm
http://www.propagandes.info/blog/laffaire-glozel-emile-fradin-docteur-antonin-morlet-par-cattos-videos/
http://jean.dif.free.fr/Images/France/Glozel/Histoire.html
« Glozel et ma vie » de Emile Fradin édition Archeologia (propos recueillis par Pierre Peuchmaurd) sorti en 1990.
(Logiciel AUREAS AstroPC Paris)
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