Alexandra DAVID-NEEL
(Née Louise Eugénie Alexandrine Marie DAVID dite)
Née le 24 octobre 1868 à Saint-Mandé 94 Val-de-Marne
Décédée le 8 septembre 1969 à 4 heures à Digne A.H.P. 04
selon acte n°110
Quand elle s’éteint à près de 101 ans, elle semble avoir vécu mille vies. Tour à tour journaliste, cantatrice, écrivain, exploratrice, orientaliste, philosophe, elle parcourt des milliers de kilomètres sa vie durant, sans jamais renoncer à voyager, puisqu’elle demande le renouvellement de son passeport à quelques mois de son décès !
Rebelle et fugueuse dès l’enfance, elle est vite attirée par l’Orient
Elle est née d’un père farouchement républicain et d’une mère d’ascendance scandinave et sibérienne qui lui inculque une éducation religieuse, mais sans beaucoup d’amour maternel. C’est peut-être pour cela, qu’elle dira plus tard : Mon pauvre papa qui est la personne que j’ai le plus aimée…
En 1871, révolté par l’exécution des derniers communards, devant le mur des Fédérés, au cimetière du Père Lachaise, son père y emmène sa fille de deux ans, Eugénie future Alexandra, pour qu’elle voie et n’oublie jamais la férocité des hommes.
Sa vocation voyageuse et rebelle se dessine très tôt car dès 5 ans, partie explorer le bois de Vincennes, elle fugue tout un après-midi.
Elle trouve rapidement un refuge dans les livres et auprès des arbres, ses compagnons. A un âge où les demoiselles ne sortent guère sans une gouvernante, « Nini » parcourt la côte belge à pied, traverse la Hollande, s’embarque pour l’Angleterre. A 17 ans, elle est de nouveau sur les routes et sa mère la récupère, cette fois, en Italie.
Révoltée dans l’âme, elle fréquente un ami de son père, l’anarchiste, Elisée Reclus et se familiarise avec le féminisme.
Elle part en Angleterre, puis se rend en Suisse et en Italie, à pied. A Londres, la jeune fille découvre les doctrines orientales et la méditation. Elle décide alors d’apprendre le sanskrit et revient à Paris.
En 1889, elle se convertit au bouddhisme.
Devenue chanteuse lyrique à succès, puis bourgeoise mariée,
la voilà repartie en Orient pour quelques mois qui durent 14 ans !
A 23 ans, elle abandonne le chant, les cours à la Sorbonne, au Collège de France, pour s’embarquer pour Ceylan puis pour l’Inde, vérifier ce qu’elle a lu sur ces pays de tous les prodiges. Elle rejoint les villes saintes de Madurai et de Bénarès. Elle affirme déjà sa nature hors du commun : le visage peint et le corps couvert de cendres, on la voit faire ses ablutions dans le Gange en compagnie d’ermites (anachorètes). Au bout de 18 mois, elle en revient enchantée et sans une roupie en poche. Elle songe à gagner sa vie.
Après un 1er prix de chant et de théâtre, elle se lance, avec succès, dans une carrière lyrique sous le pseudonyme d’Alexandra Myrial et part en tournée au Tonkin, où elle connaît un triomphe à Hanoï avec La Traviata. A Athènes, Marseille, Tunis, elle vole de succès en succès. Et sa réussite enchante ses parents. Rentrée à Paris, elle adhère à différents mouvements dont la franc-maçonnerie.
Chantant à Tunis, la cigale Myrial fait la rencontre de Philippe Néel, bel ingénieur des chemins de fer, à l’œil bleu et à la moustache conquérante. Alexandra qui fait désormais des conférences, semble abandonner le chant pour le journalisme.
En 1904, elle se marie avec Philippe, originaire de Jersey et d’ascendance noble. La nomade devient bourgeoise : voilà de quoi rassurer ses parents. Pas pour longtemps, car Alexandra, la curieuse, la voyageuse, l’indépendante, s’ennuie et le vagabondage oriental lui manque. A force de persuasion, elle réussit à convaincre son mari de la laisser partir… seulement pour quelques mois… !
Quand elle embarque pour l’Inde, en ce jour de 1911, elle a 42 ans. C’est le début de sa véritable existence. Son absence de « quelques mois » va durer quatorze années. Son époux abandonné devient, « son grand ami cher » qui, cependant, ne veut plus d’elle à son retour en 1925. Les deux continueront pourtant des échanges amicaux épistolaires, jusque dans les recoins les plus reculés de l’Asie.
En 1914, elle rencontre un jeune lama, Aphur Yongden, qui va la suivre dans ses périples et devenir son fils adoptif.
Pendant des années, Alexandra et son compagnon rencontrent des sages, vivent en ermites, traduisent des manuscrits. Ils traversent la Chine, la Mongolie, le Japon, le désert de Gobi, la Corée…
Yongden en habit de lama en 1933
Première Européenne à rencontrer le Dalaï-Lama, en 1912,
et à entrer dans Lhassa, ville interdite au Tibet, en 1924 !
En 1912, à Calcutta, elle est la 1ère européenne à rencontrer le Dalaï-lama. Privilège inédit. Elle en retire une notoriété et un respect qui lui ouvre les milieux les plus fermés. Le « pape jaune » lui glisse l’idée de faire le pèlerinage à Lhassa et d’apprendre le tibétain. Elle le fait.
Pendant deux ans, à 3 500m d’altitude, elle reste auprès d’un maître spirituel qui lui enseigne les secrets de la mystique tibétaine. Là, elle fait un apprentissage rare de maîtrise de la pensée et de l’énergie, comme d’être capable, par un temps glacial, d’augmenter la température de son corps. Elle accède au rang de « dame lama » et on la sollicite pour guérir les malades et chasser les démons.
On raconte qu’un jour où elle médite en pleine jungle, elle aurait fait fuir un tigre par la seule force de sa pensée. A Philippe, qui s’impatiente, elle écrira : Crois-tu, mon ami, qu’une personne qui médite sur le Brahman avec le tigre à côté d’elle est faite pour le train-train de la vie ménagère ?
Pour l’heure, la jeune mystique prépare son pèlerinage à Lhassa qui paraît « mission impossible », car depuis 1846, aucun blanc n’est parvenu dans la cité sainte du Tibet. Mais la détermination infaillible de l’originale Alexandra est à la mesure de ce défi considérable.
Voyageant avec son compagnon lama, elle en est à sa cinquième tentative quand elle réussit son exploit. Le voyage, commencé en Chine, a duré huit mois, soit 240 jours de marche dans l’inhospitalité de la montagne himalayenne avec les intempéries et les privations. Mêlée à des caravanes de marchands et déguisée en mendiant, elle franchit incognito les hauts plateaux et parvient dans la cité interdite de Lhassa.
En cette année 1924, l’aventurière a 56 ans. Elle vient de traverser des contrées désertiques balayées d’un vent glacial, passant des cols à plus de 5 000 m d’altitude et parfois, franchissant des rapides avec un câble tendu au-dessus du torrent.
Elle a aussi affronté tout un monde de mirages et d’étranges superstitions.
Alexandra David-Néel en pèlerine – mendiante tibétaine portant sur le dos ses bagages, l’unique marmite composant toute sa batterie de cuisine et un soufflet tibétain fait d’une peau de chèvre pourvue d’un long tuyau, ustensile indispensable pour allumer le feu de bouse de yacks. C’est dans ce déguisement qu’elle réussit à pénétrer à Lhassa
De retour en France en 1925, l’exploratrice, hors normes, devient héroïne célèbre, femme de lettres, mais songe à… repartir encore !
Alexandra David-Néel retrouve la civilisation parisienne le 10 mai 1925. Si elle est sans foyer (Philippe ne veut pas d’elle), elle est une héroïne nationale. C’est un tourbillon médiatique d’interviews, de conférences et de publication d’ouvrages.
La France lui décerne la Légion d’honneur. Son livre, Le voyage d’une Parisienne à Lhassa devient un best-seller international.
Elle multiplie les interventions sur l’hindouisme, le bouddhisme et l’histoire des religions.
En 1928, elle s’achète une propriété à Digne qu’elle baptise « Samten Zong » (Forteresse de la méditation). Mais elle ne songe qu’à repartir. En 1937, la « Tibétaine » embarque à nouveau pour affronter des cols à 3 000m malgré ses 69 ans. Ce n’est qu’à 78 ans, qu’elle consent à poser ses malles !
Dès les années 1950, elle se retire à Digne, avec Yongden et ses souvenirs, et débute une période intense d’écriture…
Je reste ensorcelée, par ce pays de Titans ou de Dieux… dira-t-elle à propos de ces hauts plateaux qu’elle n’oubliera jamais et qui demeureront sa terre adoptive.
Elle s’éteint le 8 septembre 1969 à Digne.
C’est ainsi qu’a vécu cette femme extraordinaire. Cette aventureuse rebelle, qui scandalise son monde dès son plus jeune âge, terrifie tigres et brigands, rudoie ses domestiques, dort sur une simple planche et n’en fait qu’à sa tête, est une femme irrésistible, traçant son chemin hors des sentiers battus.
Décriée par la société pour ses extravagances, elle fait découvrir à l’Occident du début du 20e siècle la civilisation orientale et le bouddhisme tibétain
A l’origine de toute connaissance, nous rencontrons la curiosité !
Elle est une condition essentielle du progrès.
(Alexandra David-Néel)
Lien vers interview de Mme David-Néel :
http://consciencesansobjet.blogspot.fr/2012/12/alexandra-david-neel.html
Lien vers un documentaire France Culture :
"Alexandra David-Neel, 1ère Occidentale à être entrée au Tibet"
https://fb.watch/7pPZrLJUmV/
(Logiciel AUREAS AstroPC Paris)
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