Laurent MOURGUET
né le 3 mars 1769 à Lyon 69 Rhône, paroisse St Nizier, heure absente sur acte de baptême
décédé le 30 décembre 1844 à 5 heures du matin à Vienne Isère 38
selon acte n°483
Pour échapper à la misère des canuts, illettré mais débrouillard, il pratique de multiples métiers
Issu d’une famille de tisseurs pauvres, il devient canut lui aussi. Sa seule école est dans les rues du Vieux Lyon, c’est pourquoi il ne saura jamais écrire.
En ce terrible hiver 1789, les bouleversements sont tels que chômage et misère sont le lot des ouvriers. En effet, les riches soyeux lyonnais, à la tête d’un quasi monopole, imposent leurs tarifs qui contraignent à la famine les tisseurs de la région.
Laurent a 20 ans, la jeunesse et l’insouciance pour lui et il change de métier pour nourrir sa famille. Illettré mais vif et malin, il gagne sa vie bon an, mal an, en suivant les foires et les fêtes de sa région. Ainsi, il est tour à tour, « maître gazier », marchand vendant étoffes, peignes, baumes, aiguilles, petits fagots de bois… ou bien machiniste, journalier forain, artiste dramatique…
Marié à Jeanne Esther en 1788, il se montre aussi créatif en famille, puisqu’en dix ans, il fait dix enfants à son épouse.
Arracheur de dents… et aussi marionnettiste
En 1797, Laurent est même arracheur de dents à une époque où cette profession se pratique sur les foires. C’est gratuitement qu’il arrache les dents gâtées en place publique, mais vend ses drogues antidouleurs à bon prix. Dans la tradition du métier, il bat le tambour pour couvrir les cris de douleur. Il attire le chaland par un spectacle de marionnettes à gaines, déjà très en vogue à Lyon et inspiré du théâtre italien : Polichinelle, Arlequin et ceux de la Comedia dell’arte. Ainsi, sa première marionnette est Polichinelle.
Dans son castelet rudimentaire, il improvise une partie du spectacle à partir de l’actualité. Bien avant la naissance de Guignol, il donne à ses personnages un esprit frondeur et satirique, proche des préoccupations populaires.
Devenu marionnettiste professionnel, il invente Gnafron qui sera la 1er marionnette lyonnaise
En 1804, il délaisse la tenaille de l’arracheur de dents pour devenir marionnettiste professionnel. Alors, il s’adjoint un comédien-amuseur fameux : Lambert Grégoire Ladré, surnommé le Père Thomas. Avec ce violoniste, à la voix de stentor, habile en calembours et railleries, la complicité est totale et favorise la création des personnages du théâtre de Mourguet. Mais le Père Thomas a la fâcheuse habitude de trop aimer la dive bouteille et, comme son travail en souffre, bientôt les deux compères se séparent.
Comme la verve du Père Thomas manque à la clientèle, Laurent Mourguet imagine une marionnette sous les traits de son ancien compagnon. C’est la naissance de Gnafron (*), affublé d’un chapeau haut-de-forme cabossé, du tablier de cuir du cordonnier et d’un nez rouge boursouflé témoin de son amour immodéré pour le beaujolais. Il est le chantre du parler canut.
Représentant un personnage bonimenteur, gai et truculent, ainsi voit le jour, la première et véritable marionnette lyonnaise.
(*) du lyonnais « gnaffre » : cordonnier
Pour donner la réplique à Gnafron, en 1808, arrive Guignol, un canut aussi impertinent que malin
Pour survivre en hiver, Mourguet s’enrôle dans un théâtre lyonnais, dans « la crèche Brunet », pour tenir le rôle du Père Coquart. Ce personnage réjoui qui vient rendre hommage à Jésus, l’inspire alors pour concevoir Guignol.
Dans l’esprit de Mourguet, il s’agit de donner la réplique à Gnafron tout en accrochant le spectateur avec ce qui le touche directement. Ainsi, en 1808, la marionnette, sculptée avec une face ronde, au nez qui « pique à la lune » et aux yeux malicieux, est à l’effigie de ses propres traits. Elle est vêtue d’une redingote marron à boutons dorés, un nœud papillon rouge et coiffée d’un chapeau mou de cuir noir sur une natte enrubannée et tressée qui se balance de droite à gauche au gré des mouvements (pour éviter que les cheveux des canuts ne se prennent dans les fils du métier à tisser).
Guignol est né.
Timbre émis en 1994 en hommage au père de Guignol
Ancêtres des « Guignols de l’info », ses marionnettes évoquent l’actualité avec cocasserie et impertinence
Guignol, héros canut, symbolise l’impertinence, la ruse et la débrouillardise. A la fois naïf et roublard, étourdi et mal embouché, il devient le compagnon de Gnafron, son ami et confident, ainsi que du gendarme avec lequel il échange nombre de coups de bâton. Bientôt apparaît Madelon la compagne de Guignol, dénommée aussi « la fenote ».
Le langage de Guignol est unique, bavard et imaginatif ; il invente des mots nouveaux, jongle avec le parler local et l’argot et méprise les règles de conjugaison. Dans ses spectacles où la maréchaussée, le pouvoir et les nantis, sont moqués et ridiculisés, ouvriers et petits employés se régalent et rient de bon cœur. On y évoque l’actualité avec un humour impertinent.
Bientôt, le théâtre Guignol de Mourguet devient très populaire et finit par plaire aux bourgeois. Pourtant, ce n’est que beaucoup plus tard qu’il devient spectacle pour enfants. Aujourd’hui, les enfants et les grands rient encore aux histoires de Guignol et aux coups de bâton administrés à la maréchaussée.
Affiche d'un théâtre de Guignol
En 1820, Laurent Mourguet monte une troupe et se fait accompagner de ses enfants pour donner ses représentations.
En 1830, il a 70 ans, mais il crée toujours puisqu’avec certains de ses enfants, il monte le 1er café-théâtre Guignol permanent.
Ce n’est qu’en 1838, que le nom de « Théâtre de Guignol » est officiellement enregistré dans le monde de la marionnette et du spectacle.
Quand Mourguet prend sa retraite en 1840, deux de ses dix enfants poursuivent l’aventure de Guignol.
Quand il décède en 1844, sur son acte de décès, on lit comme profession : saltimbanque.
Un de ses descendants, Jean-Guy Mourguet, offre toute sa collection familiale à la commune de Brindas pour l’installation en 2008 d’un musée consacré à Guignol.
Buste de Laurent Mourguet, avenue Doyenné à Lyon 5e, dont une rue porte son nom
Laurent Mourguet et Guignol figurent en dessous de Joseph Jacquard et de Pauline Jaricot,
sur la fresque peinte du Mur des Lyonnais, angle quai St Vincent et rue de la Martinière.
Le Musée Théâtre Guignol, à Brindas
Laurent MOURGUET
(Logiciel AUREAS AstroPC Paris)
Retrouvez l'acte sur les Archives Départementales Françaises en ligne |