Marguerite GONON
Née le 27 mai 1914 à 6h du matin à Saint-Etienne Loire 42
Selon acte n°1311
Décédée le 15 mai 1996 à Feurs Loire 42
Institutrice à 19 ans, elle rencontre le comte de Neufbourg
Dès 1934, transcrit les actes antérieurs au 14e siècle
Résistante de la première heure en Forez
Auteur de nombreux ouvrages qui font référence
Historienne passionnante, ses conférences sont prisées
Vive, curieuse, perspicace, et voyageuse de l’histoire médiévale |
Institutrice à 19 ans, elle rencontre le comte de Neufbourg
Fille d’instituteur et tout juste sortie de l’Ecole normale en 1933, Marguerite est nommée institutrice à Arthun. Le notable du village, le comte Guy Courtin de Neufbourg ne tarde pas à rencontrer cette nouvelle recrue de l’Instruction publique. Très vite, ils se découvrent, outre un lien de cousinage, une égale passion pour l’Histoire.
En effet, le comte - avec le groupe des Chartes de Forez - s’est lancé dans une folle entreprise : publier tous les textes du Moyen-âge de sa région, le Forez. Bientôt il sollicite l’aide de la jeune pédago de 19 ans, ignorante du latin, mais connaissant le patois. Marguerite enthousiaste s’attelle seule pendant tout un hiver à l’apprentissage de cette langue morte mais bien vivante pour les historiens, afin de pouvoir lire ces documents anciens rédigés en latin.
Dès 1938, le comte de Neufbourg la fait entrer à La Diana, Société archéologique et historique du Forez, fondée par le duc de Persigny en 1862.
Dès 1934, transcrit les actes antérieurs au 14e siècle
C’est ainsi qu’elle intègre, dès 1934, l’équipe des Chartes de Forez (groupe constitué auprès de la Société historique de La Diana). Chantier de longue haleine, exaltant et minutieux : transcrire les actes anciens, écrire des notes, situer lieux et familles, étudier les métiers…
Pour cela, les membres des Chartes se réunissent souvent chez le comte de Neufbourg gentilhomme campagnard passionné d’agronomie, à Arthun, dans son château de Beauvoir.
Toutes les chartes de la province étudiées pendant près d’un demi-siècle sont ensuite publiées, accompagnées de commentaires, notes et tables. Ce qui fait du Forez la seule province au monde à avoir publié tous les textes la concernant antérieurs au 14e siècle.
Ainsi ses études sur quelque 6.500 testaments foréziens et 5.000 lyonnais issus des archives départementales, lui confèrent une notoriété internationale et sont une source essentielle pour connaître la société et la langue en Forez au 13e et 14e siècle. Outre un éclairage plus réaliste sur l’organisation de la vie médiévale, ces travaux sont un apport capital dans l’histoire du droit.
Résistante de la première heure en Forez
Le Second conflit mondial donne à Marguerite Gonon l’occasion d’un engagement actif dans la Résistance. Et pour continuer d’aller travailler chez le comte dans son château de Beauvoir, il lui faut apprendre à faire de la bicyclette, moyen idéal de déplacement en 1940, où les véhicules se font rares.
Voir la débâcle de l’Armée française, la capitulation et l’exode des populations scandalise le comte de Neufbourg qui sans hésiter choisit le camp de la Résistance à laquelle Marguerite va participer sous le nom de « Christine ». Elle parvient à entrer en contact avec de Gaulle à Londres, grâce à Mme Cailliau, sœur du général habitant Saint-Etienne, et à partir de là, s’organisent les débuts de la Résistance en Forez.
Déterminée et audacieuse, Marguerite devient une des responsables de l’Armée secrète dans son secteur.
Il s’agit notamment de cacher 800.000 cartouches de mitrailleuses et 25 fusils-mitrailleurs, dernier modèle, qui seront remisés dans le plus grand secret dans une ferme abandonnée du hameau de Biterne.
Quand, en septembre 1943, le comte de Neufbourg est arrêté par la Gestapo, c’est l’obstination et l’audace de Marguerite Gonon qui le fait libérer.
Tout en parcourant la campagne pour servir la Résistance, elle prépare son lexique du parler de Poncins.
Quel évènement en ce printemps 1948, quand le général de Gaulle et son épouse Yvonne se rendent au château de Beauvoir, domicile du comte et de la comtesse de Neufbourg, qui s’est vu remettre la Croix de guerre pour son action dans la Résistance, en présence de ses compagnons dont Marguerite Gonon !
Portrait de Marguerite par Antoine Cuisinier
Auteur de nombreux ouvrages qui font référence
Déjà auteure de plusieurs publications, elle entre au Centre National de la Recherche Scientifique (C.N.R.S.) qui vient d‘être créé en 1945. Elle entame avec Charles-Edmond Perrin, professeur à la Sorbonne, une thèse sur La vie familiale en Forez au 14e siècle, d’après les testaments foréziens.
Devenue docteur ès lettres et ingénieur au C.N.R S, elle intègre l’équipe de l’Institut d’Histoire et de Recherche des Textes (H.R.T.) où elle est la première femme nommée. Très attachée à sa terre natale, elle choisit de rester à Poncins afin d’étudier l’histoire et la langue du Forez médiéval.
Marguerite Gonon dit aimer ce patois forézien, né au croisement de trois langues romanes : le franco-provençal, l’occitan et la langue d’oïl.
Elle contribue à la revue des « Annales » fondée en 1929, issue de l’Ecole des Annales où des chercheurs de plusieurs disciplines se regroupent pour étudier l’histoire non seulement des « grands » de ce monde, mais aussi celle des gens du peuple et de leur vie quotidienne.
Auteur également de quelques grands ouvrages dédiés aux linguistes et aux historiens, elle obtient de l’Académie française le Grand Prix Gobert.
D’une grande érudition, Marguerite Gonon s’emploie activement à transmettre son savoir via de nombreuses institutions, colloques, revues, congrès, conférences, disponible autant pour des publications prestigieuses que de modestes bulletins.
Elle reste fidèle à La Société de La Diana pendant cinquante-huit ans.
Après 1962, Marguerite Gonon fait équipe avec Paul Rivière, compagnon de la Libération et député de la Loire. L’historien Claude Latta regrette qu’elle ne soit pas devenue elle-même député car sa parole aurait fait merveille à l’Assemblée nationale.
Historienne passionnante, ses conférences sont prisées
On lui reconnaît « la dent dure » même avec ses amis, et quand on sollicite ses critiques, elles sont sans complaisance.
Intarissable et enthousiaste, elle est conviée dans les petits bourgs ou grandes villes pour raconter l’histoire médiévale de ses habitants. Et bien au-delà de son Forez natal, cette grande intellectuelle participe à des colloques universitaires internationaux.
Son propos convaincant, sa verve unique, son enthousiasme pour l’histoire, attire le public et ses travaux et avis font référence encore au 21e siècle.
Sources documentaires :
http://forezhistoire.free.fr/images/GONON2.pdf (texte de Claude Latta)
http://forezhistoire.free.fr/marguerite-gonon.html
Robert Périchon, « A Marguerite Gonon, en hommage », Marguerite Gonon (1914-1996) Village de Forez-Opus, 1997
Antoine Cuisinier - Marguerite Gonon parle… - Village de Forez, 2000
Marie-Thérèse Lorcin, « Marguerite Gonon et l’histoire du Moyen Age », Village de Forez-Opus, 1997
Vive, curieuse, perspicace, et voyageuse de l’histoire médiévale
Rechercher dans le labyrinthe des documents historiques est un itinéraire de choix pour Marguerite Gonon que l’histoire rend intarissable.
C’est pour cette intellectuelle, une quête toujours inassouvie de rencontres et ‘échanges auprès de sa grande famille forézienne.
Se consacrer à une œuvre aussi vaste, longue et complexe que l’écriture des Chartes de Forez est son domaine de prédilection.
Elle s’y adonne à la manière d’un savant dédié, avec passion à ses recherches en laboratoire, où il vit reclus et concentré. Quand elle en sort, c’est pour porter aux autres, le fruit de ses recherches, par l’écrit et surtout la parole. A propos de verbe, elle n’est jamais à court de réplique toujours ajustée et parfois cinglante, tant son esprit est vif et perspicace.
L’air est son élément ; il lui donne cette remarquable passion de linguiste, l’art de donner la parole à l’écrit.
Femme d’avant-garde, profondément humaniste, elle a l’intuition que sa mission de longue haleine est nécessaire pour le devenir humain et pour passer l’histoire aux générations nouvelles.
Elle dégage un enthousiasme communicatif d’éternelle adolescente à la curiosité insatiable, qui mémorise vite et voit d’emblée l’essentiel à retenir pour « dialoguer » avec ses ancêtres foréziens du Moyen-âge.
Explorer en premier un chemin nouveau, faire ce qui ne s’est jamais fait convient bien à cette historienne qui montre une grande indépendance d’esprit.
Femme d’échanges, de dialogue et de rencontres, elle s’est donné les clefs pour ouvrir les portes secrètes et se balader dans l’histoire ordinaire de nos aïeux.
Je vous souhaite beaucoup de joies intellectuelles ! Tels étaient les vœux de nouvel an formulés par Marguerite Gonon lors d’une conférence donnée à Feurs dans les années 1990.
(Logiciel AUREAS AstroPC Paris)
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