Géologue et minéralogiste, ce savant baroudeur étudie les roches calcaires des Alpes italiennes qui seront ensuite nommées Dolomites en hommage à ses travaux scientifiques.

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DOLOMIEU

Né Dieudonné, Sylvain, Guy, Tancrède GRATET de DOLOMIEU
Dit aussi Déodat de Dolomieu

Le 23 juin 1750 à Dolomieu Isère 38 – heure de naissance absente
Selon acte de baptême – AD38 en ligne- 9 NUM1/AC 148/2 – Dolomieu 1749-1770 – vue 8/196

 

Décédé le 28 novembre 1801 (7 frimaire An X de la République)
À 11h du matin à Châteauneuf 71 Saône-et-Loire
Selon acte AD71 en ligne – Châteauneuf – Décès – 1793-1802 – 5 E 113/1 – vue 29/31

 

 

Dérouler la vie de Dolomieu revient à feuilleter un extraordinaire roman d’aventures où se mêlent conflit d’honneur, voyages à travers le monde, passion pour l’exploration des sciences de la nature, tribulations politiques et sentimentales, mise au cachot et finalement, postérité inoubliable grâce au minéral que cet éminent savant a découvert. 

 

A 14 ans, il s’engage comme carabinier dans l’Ordre de Malte

Sur l’acte de baptême, le père de Dieudonné, François de Gratet,  est noté haut et puissant seigneur, marquis de Dolomieu. Il fait recevoir son fils, âgé de deux ans, comme chevalier de l’Ordre de Malte (ordre religieux et militaire apportant protection aux pèlerins des Lieux Saints, contre les attaques des barbares).

La famille est noble mais fort désargentée pour avoir dilapidé sa fortune. Les premières années de l’enfant s’écoulent tranquilles et quasi incultes au château paternel. Mais précoce et observateur, Dieudonné dit avoir appris à compter en observant les barreaux de son petit lit d’enfant.

Envoyé à Paris pour des études plus sérieuses, il affirme ses dons de naturaliste.

Impatient de vivre son indépendance et donner libre cours à sa curiosité scientifique, il s’engage brusquement dans les carabiniers de l’Ordre de Malte, à peine âgé de 14 ans, en 1764. Devenu sous-lieutenant, au bout de deux ans, il a alors l’obligation de faire ses « galères », c’est-à-dire voguer sur les galères des Chevaliers de Malte pour faire son noviciat.

Lors d’une escale près de Naples, il tue en duel un compagnon d’armes. Pour un chevalier de Malte, cela signifie la radiation de l’Ordre et passer le reste de sa vie dans une geôle. Il n’a pas encore 18 ans ! Réintégré au bout de 9 mois grâce à de puissantes interventions, il peut reprendre sa croisière.

 

 

Précurseur passionné en géologie, minéralogie, vulcanologie…

En 1771, il rentre en France et s’instruit dans une garnison à Metz jusqu’en 1774. Il suit des cours de physique et de chimie auprès  de Mr Thyrion apothicaire-major. Son entrain et son assiduité sont à la mesure des charmes de Mlle Thyrion – fille de son mentor - qui suit aussi les cours paternels. Mais l’appartenance à l’Ordre de Malte exige le célibat, aussi cette idylle n’aboutira jamais, malgré un échange de correspondances qui se poursuivra toute leur vie.

Etant dans un ordre religieux, il est lié aux trois vœux monastiques : pauvreté, chasteté et obéissance. La pauvreté correspond bien à sa prodigalité héréditaire, lui qui ne laissera à ses héritiers qu’une collection de cailloux, quelques livres et papiers scientifiques. Quant à la chasteté et l’obéissance, elles sont étrangères à son caractère indépendant et volcanique.

Par sa rencontre avec de grands scientifiques, Dieudonné s’oriente pour toujours vers la géologie et la minéralogie.

Ces disciplines supposent d’avoir l’âme voyageuse. C’est le cas de notre héros qui visite l’Anjou, la Bretagne, les Alpes puis Malte en 1778 qui est le centre d’activité de l’Ordre.

Il s’intéresse à la météorologie, à l’astronomie (crée un observatoire à Malte) ainsi qu’aux tremblements de terre qui ravagent la Calabre en 1783.

A trente ans, il est nommé Commandeur de Dolomieu en 1780. Les pierres le passionnent mais plus encore les volcans qui seront son sujet de prédilection. Côté sentiments, l’ambiance est aussi volcanique mais à l’heure du choix, il se range toujours du côté de la science ainsi que le déclare son oncle le prince Camille de Rohan :

Il vendrait sa maîtresse pour une belle pierre.

Ses hautes responsabilités dans l’Ordre de Malte suscitent de violentes rivalités. Il est souvent en procès avec ses adversaires et dans un temps où l’on ne se déplace qu’à cheval, il est toujours par monts et par vaux entre Paris, Rome, Marseille, Gênes… pour traiter ses affaires de justice. Cette agitation fébrile, qui lui plaît assez, se corse d’histoires sentimentales qui soutiennent son enthousiasme.

Pendant cette période, sa production scientifique ne faiblit guère puisqu’il continue d’amonceler des mémoires sur les volcans des îles Ponces et l’Etna.

En scientifique précurseur, Dolomieu est le premier à supposer l’existence de masses ignées profondes à l’origine de volcans, ainsi que le refroidissement de la croûte terrestre à la surface du Globe.

C’est aussi à cet avant-gardiste que l’on doit les idées modernes sur la théorie de la formation des chaînes de Montagnes.

Quand gronde la Révolution de 1789, ses idées libérales et généreuses lui font accueillir avec ferveur le mouvement révolutionnaire.

Dolomieu, gentilhomme sans le sou, traverse cette période sanglante sans y laisser la tête, tandis qu’il perd tous ses amis : Lavoisier, Condorcet, La Rochefoucauld… et presque toute sa famille. Il doit sans doute sa survie à sa grande ouverture d’esprit et à sa passion pour la science car pendant les heures terribles de la Révolution, il publie 17 nouveaux mémoires sur la minéralogie, la géologie et l’art du mineur.

En 1791, Dolomieu rédige des notes destinées aux naturalistes et remises aux navigateurs partis à la recherche de La Pérouse.

A partir de 1793, il est nommé professeur de géologie à l’école des Mines de Paris et en 1795, devient membre de l’Académie des Sciences.

 

 

Aventurier infatigable au service de la science

Il est recruté pour participer à l’expédition scientifique d’Egypte en 1798, en marge de l’expédition militaire lancée par le général Bonaparte futur Napoléon 1er. Dès son débarquement sur le sol égyptien, il entreprend de vérifier les données qu’il a lues dans les écrits anciens grecs et latins. S’inspirant de son expérience à Malte, il fait installer et surveille moulins, meules, engrenages, farines et fours pour fabriquer des pains pour l’armée du général Bonaparte.

Après quelques travaux scientifiques sur le Nil, il demande son retour en France pour mésentente avec Bonaparte.

Pris en otage par les Anglais en Calabre, ce savant célèbre est mis au cachot à Messine en Sicile. Dans une geôle sombre, il survit péniblement pendant 21 mois, avec quelques livres qu’il a réussi à cacher. Avec un stylet de bois trempé dans de la suie mouillée d’eau, il note avec pour seul papier la marge de ses livres, son journal de captivité et ce qu’il a observé au cours de ses voyages sur la nature, la forme des minéraux…

Un calcaire l’intéresse particulièrement : on lui donnera le nom de « dolomie ». Et les Alpes calcaires italiennes, haut-lieu des touristes et des alpinistes seront désignées sous le nom de Dolomites.

Misérablement reclus, Déodat est privé de tout ce qui fait sa raison de vivre : le goût de la liberté et l’observation des beautés de la nature au rythme des saisons.

Son incarcération terrible agite le monde politique d’Europe et même le pape intercède pour lui. Mais il faut attendre la victoire des armées françaises à Marengo pour voir sa libération le 14 juin 1800.

Nommé professeur de minéralogie au Museum, mais très affecté par cet emprisonnement, il meurt le 16 novembre de l’année suivante, dans le château de sa sœur, la marquise de Drée.

Dolomieu a identifié et décrit de nombreux minéraux et roches. Sa rigueur scientifique l’a toujours amené à privilégier l’observation naturaliste sur le terrain et les déductions logiques.

Une rue du 5e arrondissement de Paris porte son nom.


Dolomites patrimoine mondial de l’Unesco

http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gruppo_del_Focobon.jpg#mediaviewer/File:Gruppo_del_Focobon.jpg

 

Dolomieu, homme distingué et de grande taille est un enthousiaste et un généreux qui dépense sa fortune sans compter. Parfois violent, toujours passionné, prompt à la colère et à l’emballement amoureux, il a  le verbe étincelant et persuasif, observateur perspicace et scrupuleux, généralisateur hardi. On dit que nulle part, il passe inaperçu et sa vie est celle d’un exceptionnel aventurier au service de la science.

Ainsi, il semble naturel que son nom soit lié pour la postérité à un massif grandiose et impressionnant à l’image de la vie de ce savant précurseur à l’esprit universel.

 

 

Sources documentaires :
http://www.annales.org/archives/dolomieu.html
http://www.isere-magazine.fr/culture/histoire/Pages/2014/148-Dolomieu/Dolomieu-le-chevalier-geologue.aspx
http://geologie-alpine.ujf-grenoble.fr/articles/GA_1952__30__7_0.pdf

 

 

 
(
Logiciel AUREAS AstroPC Paris)

 


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