Son nom évoque le n° 5, parfum renommé et un tailleur célèbre.
Dans le monde de la haute couture, elle est la première et la seule femme à oser la modernité.

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Coco CHANEL

née Gabrielle CHASNEL dite

née le 19 août 1883 à 16 heures à Saumur Maine-et-Loire 49
(selon acte n°212 AD49 en ligne)

décédé le 10 janvier 1971 à Paris 1er

 

 

Cousette orpheline rêvant de music-hall, un premier amant lui met le pied dans le « grand monde »

Son père, Henri Chasnel est camelot originaire du Gard et sa mère Jeanne Devolle est couturière auvergnate, originaire de Courpière. Tout juste née, la petite Gabrielle accompagne déjà ses parents sur les marchés de la région.

Mais sa mère décède en 1895, épuisée par ses multiples grossesses et le dur travail de camelot. Gabrielle a 12 ans. Son père la confie, ainsi que ses sœurs à l’orphelinat d’Aubazine en Corrèze. Le sarrau noir des enfants pauvres et l’austérité religieuse inspireront plus tard Chanel dans ses créations.

A 17 ans, la directrice de l’orphelinat place Gabrielle dans une institution religieuse à Moulins. Avec son chignon noir Belle Epoque, son visage lumineux et fier, son regard doux, rêveur mais souvent triste et sa taille fine, elle se remarque parmi les filles campagnardes.

En 1900, devenu cousette dans une boutique de Moulins, elle s’en échappe souvent pour chanter à La Rotonde, dans un caf’conc’ à la mode. Son répertoire se limite à deux chansons : Ko Ko Ri Ko et Qui qu’a vu Coco ? Elle n’a pas de voix mais son sens du spectacle fait le reste et son sourire enjôleur déchaîne la salle. Les soupirants du premier rang l’appellent la Petite Coco ou la Coco Chanel. Parmi les fringants militaires du 20e Chasseurs habitués des lieux, Gabrielle repère Etienne Balsan, un parisien fils de bonne famille.  Encouragée par ses modestes triomphes, celle qui deviendra Coco espère faire carrière dans le music-hall.

En attendant, on la retrouve en 1906, donneuse d’eau à La Grande Grille, dans les thermes de Vichy. Le jour, elle distribue des verres d’eau minérale et ravaude les habits des élégantes venues aux bains. Le soir, costumée, elle monte sur scène. Etienne Balsan, l’ami de la Rotonde la retrouve et lui propose de le suivre en région parisienne. Gabrielle, la pauvresse de province devine que se présente là, une chance d’ascenseur social. Elle ne veut plus partager le sort anonyme des cousettes. Elle devient la maîtresse de ce riche éleveur de chevaux de course, rentier soucieux de discrétion pour son épouse et son rang, et fait l’apprentissage de la haute société : monte à cheval, reçoit, rencontres artistes, actrices, courtisanes, esprits originaux.

Elle était paresseuse… elle restait au lit jusqu’à midi à lire des romans de quatre sous. La plus flemmarde des femmes…, selon les souvenirs d’Etienne. Voilà notre Gabrielle embourgeoisée et rêveuse mais cependant fine observatrice. Parmi les amis de son amant, il y a Arthur Capel. Il a plein d’atouts : jeune, beau, cultivé. Mais  à la différence de ces fils de riches qui font valser leur fortune, lui se soucie d’édifier la sienne. Peut-être est-ce un trait héréditaire car on le dit fils naturel du banquier Péreire. Il a des intérêts dans les charbonnages de Newcastle et parmi la jet-set londonienne, on apprécie les qualités au polo de ce Boy, ainsi qu’on le surnomme.

Il était plus que beau, magnifique. J’admirais sa nonchalance, ses yeux verts. Il montait de fiers chevaux. Je devins amoureuse de lui. Il avait une personnalité très forte, singulière, une nature ardente et concentrée. Il m’a formée. Il a su développer en moi ce qui était unique. Il possédait une écurie de polo. C’était un des lions de Londres. De celui qui sera le grand amour de sa vie, ainsi parle Coco Chanel à l’écrivain Paul Morand.

Refusant de passer pour une  cocotte, lors de ses rares apparitions mondaines, elle se vêt avec une extrême simplicité qui tranche avec les gracieuses empanachées de la Belle Epoque. Elle affiche déjà un style très personnel.

Décidée à devenir modiste, et encouragée par Etienne et son amant, elle s’installe dans sa garçonnière au 160, du bd Malesherbes à Paris grâce aux finances avancées par Boy. Comme elle a déjà un pied dans le grand monde, elle place aisément ses couvre-chefs originaux qu’ils soient enrubannés, emplumés ou dépouillés. Parmi ses modèles, il y a la comédienne Cécile Sorel.

 

Révolutionnaire, Coco libère le corps de la femme en ce début de 20e siècle

En 1910, elle ouvre sa première boutique de chapeaux au 21, rue Cambon à Paris. Deux ans plus tard, le journal « Les Modes » la reconnaît comme « la » nouvelle modiste de Paris. En 1913, le succès aidant et avec les fonds de Boy, elle ouvre son 2e magasin à Deauville. A côté des chapeaux, on y trouve des blouses, des vareuses, des jupes droites et des tailleurs de toile beige conçus avec une sobriété « masculine ».

Puis en 1915, pour fonder sa 1ère maison de couture, elle se lance à l’assaut d’une autre station balnéaire beaucoup plus au sud : Biarritz. Boy Capel est son financeur et il la présente à toutes ses connaissances à une époque, où la haute société ne fréquente guère les gens de commerce.

Comme l’étoffe manque par le fait de la Grande Guerre, elle taille des robes de sport à partir des maillots des garçons d’écurie, ces tricots de corps qu’elle a adoptés depuis longtemps. Chanel achète à Rodier des pièces entières d’un jersey utilisé alors uniquement pour les sous-vêtements masculins.

En 1916, on commence à parler du style Chanel aux Etats-Unis à propos de sa robe sobre et fluide. Coco raccourcit les jupes et supprime la taille. Tant de dépouillement et de simplicité tranchent avec le style sophistiqué alors en vogue. Adieu, bustiers baleinés, corsets rigides, croupes postiches, dentelles, plumes et frous-frous !

Cette silhouette libérée par des vêtements simples et pratiques, séduit les femmes qui s’efforcent « d’être maigres comme Coco ». Quant à la coiffure, les ciseaux sont aussi passés par là, les cheveux sont courts.  L’ensemble évoque une vie dynamique et sportive, mêlant féminin et masculin. Il faut dire aussi que la pénurie relative de main d’œuvre domestique crée de nouveaux besoins chez les femmes en ce temps de guerre.

Ainsi en 1918, les Poilus ne reconnaîtront pas ces androgynes aux cheveux courts, à la poitrine plate, ne portant plus de corset et dont la jupe découvre la cheville !

Coco dansant avec Boy

 

Habile femme d’affaires, sa maison de couture emploie 300 ouvrières en 1918

Coco Chanel, devenue une habile femme d’affaires, achète des métiers à tisser, crée des usines et fait fortune. Elle emploie plus de 300 ouvrières en 1918.

Une fois la guerre finie, Boy doit prendre femme selon les règles de l’aristocratie anglaise. Coco en éprouve une insupportable humiliation. Mais grâce à sa maison de couture, l’une des plus importantes de l’époque, elle parvient à rembourser jusqu’au dernier sou avancé par Boy Capel. Nous sommes en 1919 et « Mademoiselle » refuse d’être une femme entretenue et le fait savoir.

Je croyais te donner un jouet, je t’ai donné la liberté ! réplique Boy avec mélancolie. Mais un jour de décembre 1919, celui-ci se tue dans un accident de voiture. Cette mort est pour Coco un choc terrible : je perdais tout en le perdant.

A cela, s’ajoute le chagrin de perdre l’enfant qu’elle porte et d’apprendre qu’elle ne pourra jamais plus enfanter.

Dès 1921, Coco agrandit sa boutique de la rue Cambon où se trouve encore aujourd’hui, le siège de la maison de couture Chanel. Elle dispose de ses propres fabriques de tissu et s’associe avec les frères Wertheimer - propriétaires de la marque Bourjois - pour la diffusion des parfums.

Dans sa résidence d’été, à Garches, elle se lie d’amitié avec son voisin le dramaturge Henry Bernstein et héberge pendant deux ans Igor Stravinsky et sa famille. Une vague idylle se noue. Plus tard, elle reconnaît qu’elle lui doit le peu de musique qu’elle sait.

 

Russes ou Britannique, ses successifs amants, fortunés et célèbres, inspirent ses créations

Puis un autre russe entre dans sa vie : le grand duc Dimitri de Russie, cousin du tsar Nicolas II. Leur liaison dure un an et leur amitié toute la vie. Il lui aurait inspiré la forme du flacon de son célèbre n°5, par référence à la flasque de vodka des troupes russes.

En 1925, c’est le duc de Westminster (photo ci-contre) qui devient l’amant de « Mademoiselle Chanel ».

Là voici en relation avec la jet-set politique qui lui vaut de rencontrer Winston Churchill, le prince de Galles, futur duc de Windsor. Le train de vie est opulent et dans les bals et dîners qu’elle donne le caviar est servi à la louche. A propos de la richesse considérable de son nouvel amant, Coco dira :

… à pareil degré, la richesse est située bien au-delà de l’envie, elle prend les proportions d’une catastrophe. Je le dis surtout car elle fait de Westminster, le dernier produit d’une civilisation disparue, une curiosité paléontologique…

A défaut de la demander en mariage, le duc lui offre des émeraudes qu’elle jette par-dessus le bastingage de son yacht. Mais les joyaux refusés l’inspirent pour les bijoux faux ou semi-précieux nécessaires pour agrémenter ses tenues sobres.

En 1928, Coco Chanel installe définitivement sa maison de couture sur trois étages, au 31 de la rue Cambon. Elle met à la mode le noir jusqu’alors couleur de deuil ! Ainsi sa petite robe droite, sans col, taillée dans du crêpe noir devient l’emblème de la Parisienne et les Américaines emballées, la baptisent : la Ford signée Chanel.

Sa liaison avec le duc britannique dure cinq ans et prend fin en 1931, mais il en reste comme pour les autres amants, une indéfectible amitié.

A 50 ans, Coco tombe amoureuse d’un architecte basque Paul Iribe, homme violent, compliqué qui ne ménage guère son orgueil. Pourtant, elle pense avoir trouvé le compagnon idéal et envisage le mariage. Mais elle n’en a pas le temps, son amant décède sous ses yeux lors d’une partie de tennis. Accablée une nouvelle fois par le sort, elle s’installe au 7e étage de l’Hôtel Ritz qu’elle ne quittera plus, pour se laisser glisser dans une irrémédiable solitude.

 

Pendant la Seconde Guerre, elle ferme sa maison de couture

Ce n’est plus le moment de s’habiller !  Voilà ce que décrète Coco à la Seconde Guerre mondiale. Elle décide de fermer sa maison de couture et licencie tout le personnel (4 000 ouvrières), pour se consacrer uniquement à sa boutique de parfum.

L’amour la saisit à nouveau, en la personne d’un sémillant quadragénaire attaché d’ambassade, un bel homme à femmes qu’elle connaît depuis longtemps. Son défaut : il est un Allemand ultraconservateur. Selon les documents retrouvés par un avocat allemand, Coco aurait été chargée par Himmler d’une mission ultrasecrète auprès de Churchill à Madrid en 1943, pour proposer d’éventuelles négociations. A-t-elle trahi ? En tout cas, elle est arrêtée à la Libération pour faits de collaboration. Une protection très haut placée, et un opportun exil en Suisse puis aux Etats-Unis, lui apportent le salut.

Coco a près de 70 ans quand elle décide de présenter une nouvelle collection le 5 février 1954. C’est un fiasco aux yeux de la presse française mais l’Amérique adopte son tailleur Chanel qui révolutionne le prêt-à-porter dans la grande distribution de luxe.

En 1965, elle refuse de raccourcir les jupes pour satisfaire à cette nouvelle mode de « mini-jupe » qui la met en colère. Après mai 1968, Coco devient tyrannique, sèche, acariâtre et s’enferme dans son monde, endurant probablement des blessures de l’âme que son immense renommée professionnelle n’est jamais parvenue à apaiser.

Le 10 janvier 1971, Mademoiselle Chanel vêtue de son petit tailleur, se déclare fatiguée au retour de sa promenade habituelle. Elle s’allonge sur le lit de sa chambre d’hôtel.

C’est comme cela qu’on meurt, dit-elle avant de fermer les yeux pour toujours.

 

 


(
Logiciel AUREAS AstroPC Paris)


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