Journaliste féministe, elle milite toute sa vie pour le droit de vote des femmes et pour leur éligibilité. Elle le fait savoir notamment en faisant la grève de l’impôt en 1880 qui, à défaut de convaincre les députés, parvient à attirer les huissiers à sa porte…

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Hubertine AUCLERT
Marie Anne Hubérine AUCLAIRE dite…

Née le 10 avril 1848 à 6h du matin à Saint-Priest-en-Murat Allier 03
Selon acte n°5 – AD03 en ligne – 2 E 260-9 – St Priest en Murat – N  (1839-1862) – vue 58/166

 Décédée le 8 avril 1914 à Paris

 

 

 

«Une féministe fait la grève de l’impôt »

Tel est le titre d’un article de la presse parisienne en ce printemps 1880.

Hubertine Auclert âgée de 32 ans, qui a rejeté ses convictions religieuses pour la foi républicaine, veut que les femmes votent et elle le fait savoir… par la grève de l’impôt. Elle proclame que le terme de « Français » qui désigne les hommes et les femmes quand il s’agit de payer, doit avoir le même sens quand il s’agit de voter.

Cette audacieuse aux idées d’avant-garde qui attire l’attention sur les droits des femmes, n’a réussi, dans l’immédiat qu’à susciter celle… des huissiers.

Quant aux députés, ils font la sourde oreille et pour longtemps encore puisque ce n’est qu’en 1944, que les femmes obtiendront le droit de vote.

Il faudra donc plus d’un demi-siècle pour que la légitimité de son propos chemine dans les esprits décideurs, et que le premier des droits civiques, celui de voter, soit accordé aux Françaises en 1944. Elles iront aux urnes pour la première fois lors des municipales du 29 avril 1945.

Comme un signe du destin, Hubertine vient au monde un mois et demi après la Révolution de février 1848 et quelques semaines après le rétablissement du suffrage universel masculin le 5 mars 1848, institué à l’origine en 1792 puis supprimé par le Directoire.

Née dans une famille aisée, son père, fermier républicain devient maire de la commune de Tilly, la même année.

Elle est la cinquième d’une fratrie de sept. Placée dans un pensionnat religieux dès l’âge de neuf ans, elle y fait sa scolarité. Au décès de son père, elle est mise au couvent chez les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul où elle envisage de devenir religieuse, mais on ne l’accepte pas. Au décès de sa mère en 1866, Hubertine qui a 16 ans et très croyante, est placée par son frère dans un couvent à Montluçon.

Mais, jugée trop indépendante par les religieuses, elle est écartée une nouvelle fois de la vie monacale. Hubertine, alors âgée de 21 ans, estimant ce rejet injustifié, en nourrit un profond ressentiment anticlérical.

 

Refusée au couvent, elle se convertit à la foi républicaine

Désormais libre et dotée de l’héritage parental, elle veut militer pour une cause humaniste.

Comme depuis son Bourbonnais natal, lui arrivent les échos des discours parisiens de Léon Richer, journaliste libre-penseur et féministe, Hubertine monte à Paris « combattre pour la liberté de mon sexe ». Le Second Empire a chuté et la IIIe République ouvre la voie à l’activisme des femmes qui exigent des changements dans le code Napoléon, en faveur de l’éducation, de l’indépendance économique pour les femmes, du divorce, du droit de vote…           

C’est un champ d’action exaltant pour Hubertine qui dit porter ce combat depuis sa naissance :

« Je suis presque de naissance une révoltée contre l'écrasement féminin, tant la brutalité de l'homme envers la femme, dont mon enfance avait été épouvantée, m'a de bonne heure déterminée à revendiquer pour mon sexe l'indépendance et la considération ».

Hébergée chez sa sœur à Paris, elle rejoint la Société pour l’amélioration du sort de la femme et l’Association pour le droit des femmes dont Victor Hugo est le président d’honneur.

 

Hubertine semble être la première militante française à se déclarer « féministe ».

Plus que le droit de vote, elle exige pour les femmes le droit de se présenter aux élections. C’est ainsi qu’elle fonde en 1876 la société « Le droit des femmes » qui devient en 1883, la société « Le suffrage des femmes ».

A ce titre, elle lance en 1877, son appel aux femmes de France qui dénonce la distorsion entre le statut de la femme incapable pour les actes de la vie sociale et politique, on l’assimile aux interdits et aux fous tandis qu’au regard du droit pénal quand elle s’écarte de la loi, la femme est tout aussi sévèrement punie que l’homme en pleine possession de ses capacités.

Son plaidoyer s’achève sur la comparaison entre le combat des travailleurs et celui des femmes qui devraient unir leurs forces pour s’émanciper ensemble.

Dans les rangs du mouvement ouvrier, son discours à la tribune du Congrès de Marseille en 1879 fait des remous :

Si vous prolétaires, vous voulez aussi conserver vos privilèges, les privilèges du sexe, je vous demande : quelle autorité avez-vous pour protester contre les privilèges de classe ? Que pouvez-vous répondre aux gouvernants qui vous dominent, qui vous exploitent, si vous êtes partisans de laisser dans l’espèce humaine des catégories de supérieurs et d’inférieurs ?

 

Une République qui maintiendra les femmes dans une condition d'infériorité
ne pourra pas faire les hommes égaux.

Mais cette visionnaire a raison trop tôt.

Le mouvement ouvrier, qui veut améliorer le sort des travailleuses, n’est pas encore prêt à revendiquer l’émancipation des femmes et leur égalité de principe.

En 1881, elle lance le journal La Citoyenne qui plaide avec force pour la libération féminine. Faute de moyens financiers, la parution cessera quatre ans plus tard.

Mais Hubertine poursuit son activisme avec la même ardeur, et collabore au journal La Libre Parole d’Edouard Drumont et à divers journaux libre-penseur et humanistes.

Hubertine se fait novatrice même dans le vocabulaire, réclamant la féminisation de certains mots (témoin, avocat, électeur, député…)

Elle épouse en 1887 Antonin Lévrier, son conseiller juridique et le couple s’établit en Algérie pendant quatre ans, avant de revenir à Paris. Cette expérience lui inspirera un ouvrage paru en 1900 : Les femmes arabes en Algérie.

 

Militante des droits des femmes jusqu’à la fin de sa vie

Militante jusqu’au terme de sa vie, elle revendique l’égalité des sexes et à titre symbolique, brise une urne à Paris lors des élections municipales de 1908.

En 1910, elle se porte candidate aux législatives, imitée par d’autres femmes dont Marguerite Durand. Naturellement leur candidature est rejetée.

Par sa combativité inaltérable, sa persévérance à toute épreuve et sa conviction humaniste, elle parvient à mettre durablement à l’ordre du jour des débats publics, le droit de vote des femmes.

Hubertine peut être considérée comme une figure centrale et trop oubliée dans l’histoire de l’accès à l’égalité des Françaises.

Elle décède quelques mois avant le déclenchement de la guerre de 14-18 et il faudra un second conflit mondial pour qu’enfin la France accorde aux femmes le premier des droits citoyens.

 

Inhumée au cimetière du Père-Lachaise à Paris, sa sépulture porte la mention : suffrage des femmes.

 


Hubertine Auclert en 1910

 

 


(
Logiciel AUREAS AstroPC Paris)

 


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