Reporter-photographe à L’Humanité, résistante envoyée en déportation, devenue députée communiste, cette femme d’exception est témoin de l’accusation au procès des criminels nazis de Nuremberg en 1946.

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Marie-Claude VAILLANT-COUTURIER

Née VOGEL le 3 novembre 1912 à 7h du matin à Paris 6e
Selon acte n°2363 – Archives de Paris en ligne – 6 N 266_2 – 1912 vue 19/31

Décédée le 11 décembre 1996 à Villejuif Val-de-Marne

 


http://www.memoirevive.org/marie-claude-vaillant-couturier-nee-vogel-31685/

 

Elle est l’une des rares femmes reporters-photographes de son époque.

La guerre et l’internement transforment  sa vie en destin

A la Libération, elle administre le camp de Ravensbrück jusqu’au départ de tous les français

Elle est appelée à témoigner au procès des criminels nazis

Sa force intérieure est à la mesure des évènements de son temps

 

 

Elle est l’une des rares femmes reporters-photographes de son époque.

Issue d’un milieu à la fois bourgeois et libéral, artiste et même un peu bohème, son père Lucien Vogel est éditeur et sa mère est la sœur de Cécile de Brunhoff créatrice de Babar avec son mari Jean de Brunhoff.

Après des études secondaires au Collège Sévigné, elle séjourne en 1930 en Allemagne pour l’apprentissage de la langue.

Devenue reporter-photographe pour le magazine Vu et nantie de ses connaissances germanistes, elle est désignée avec d’autres pour enquêter en Allemagne sur la montée du national-socialisme. Nous sommes en 1933 et Hitler est depuis deux mois au pouvoir.

Surnommée « La Dame au Rolleiflex » car à l’époque ce métier est surtout masculin, elle adhère à l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires et en 1934 à la Jeunesse communiste. Elle participe à la création en 1936  de l’Union des jeunes filles de France.

Epouse du député communiste Paul Vaillant-Couturier, rédacteur en chef à l’Humanité et devenue veuve, elle épousera en 1939 Pierre Villon.

Reporter-photographe pour l’Humanité où elle devient directrice du service photographie, elle découvre l’URSS lors d’un voyage en 1938.

 

La guerre et l’internement transforment  sa vie en destin

Engagée dans la Résistance, elle participe à des publications clandestines, assure la liaison entre résistances civile et militaire et transporte même des explosifs. Mais le 9 février 1942, elle tombe dans un piège ; arrêtée par la police de Pétain, elle est internée.

Déportée à Auschwitz-Birkenau avec le convoi de 230 femmes qui s’illustrent en entonnant la Marseillaise le 24 janvier 1943, lors de l’entrée dans le camp. De ce groupe, seules 49 femmes reviendront après la guerre.

Marie-Claude Vaillant-Couturier, parlant allemand et tatouée du numéro 31.685 est affectée à une place de secrétaire au quartier des prisonnières allemandes. Mais atteinte du typhus, elle se retrouve nettoyeuse au département cuisine.

Transférée à Ravensbrück en août 1944, elle est affectée à des travaux de terrassement puis retrouve un emploi de secrétaire.

 

A la Libération, elle administre le camp de Ravensbrück jusqu’au départ de tous les français

A la libération du camp en avril 1945 par l’Armée rouge, Marie-Claude Vaillant-Couturier et Adélaïde Hautval médecin-psychiatre déportée se chargent d’administrer le camp jusqu’à ce que tous les malades français soient évacués, apportant leur aide au personnel médical pour les identifier en vue de leur rapatriement. 

Sous la plume de Rémy Roure, dans Le Monde du 16 juin 1945, on lit : Chaque jour, cette magnifique Française parcourt les blocs, relève les courages, donne de l'espoir qui n'est souvent que de l'illusion. Le mot de sainteté vient à l'esprit quand on voit cette grande sœur de charité auprès de ces hommes et ces femmes qui meurent chaque jour.

Finalement rentrée en France le 25 juin 1945, elle retrouve sa famille et le titre de commandant lui est reconnu dans la Résistance intérieure française.

Députée PCF de la Seine de 1946 à 1958 et de 1962 à 1967, puis du Val-de-Marne jusqu’en 1973, elle sera à deux reprises vice-présidente de l’Assemblée nationale.

Secrétaire générale de la Fédération démocratique internationale des femmes en 1946 puis vice-présidente de l’Union des femmes françaises en 1979, elle dépose des projets de loi sur l’égalité des salaires entre hommes et femmes.

Militante au Mouvement de la paix créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, elle est dans la direction de la Fédération nationale de déportés et internés résistants et patriotes depuis sa création en 1945 et l’une des premières animatrices de l’Amicale d’Auschwitz.

 

Elle est appelée à témoigner au procès des criminels nazis

Témoin de l’accusation en 1946 au procès de Nuremberg, elle dira plus tard : "En racontant les souffrances de ceux qui ne pouvaient plus parler, j'avais le sentiment que, par ma bouche, ceux qu'ils avaient torturés, exterminés, accusaient leurs bourreaux." Et devant la salle stupéfaite, elle marchera vers les criminels nazis pour les regarder de très près dans les yeux. 

Elle considère comme un progrès pour la conscience humaine, la qualification de crime contre l’humanité admise en 1945.

Geneviève Anthonioz-de Gaulle dira d’elle : "… Je connais peu de femmes aussi courageuses que Marie-Claude qui a toujours donné le sentiment que sa propre vie n’était rien sinon d’être au service de ses camarades."

En 1964, elle milite à l’Assemblée nationale pour rendre imprescriptibles les crimes contre l’humanité ouvrant la voie à la ratification par la France en 1968 de la Convention de l’ONU sur l’imprescriptibilité de ces crimes.

En 1987, elle est appelée à témoigner contre Klaus Barbie et en 1990, désignée à l’unanimité comme présidente de la Fondation pour la mémoire de la déportation.

 


Plaque sur les bancs de l’hémicycle de l’Assemblée nationale
https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-Claude_Vaillant-Couturier

 

 

Sa force intérieure est à la mesure des évènements de son temps

Doublement marquée par le Scorpion, cette femme d’exception en porte la force avec une rare puissance intérieure que la guerre et la mort ne peuvent impressionner.

Equipée pour s’immerger dans les turpitudes de son époque, elle y trouve toute sa place avec une autorité naturelle indiscutable.

L’internement aux camps avec son lot d’horreur innommable, de souffrance et de mort, déclenche en elle une exceptionnelle énergie taillée à la mesure de la terrible adversité.

Le métier de reporter-photographe l’a inspiré dans la mesure où il lui permet d’aller à la chasse aux mystères dans des contextes troubles et tourmentés, pour les dévoiler et les commenter.

Fine stratège, elle est habitée par une remarquable intuition qui a dû guider ses actions tout au long de son existence.

Sortie de l’enfer des camps, il lui faut s’investir en politique, autre combat complexe et ardu pour agir avec un esprit d’avant-garde porté à transformer l’existant.

 

 


(Logiciel AUREAS AstroPC Paris)

 


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