Artiste peintre et sculpteur, pris dans les affres de la Grande Guerre pendant plus de quatre années, qu’il raconte avec un regard critique, sans concession à travers lettres, dessins, textes, souvent satiriques… Exceptionnel et émouvant témoignage que le centenaire de 14-18 offre de faire revivre en ce 21e siècle.

télécharger cet article

 

Jean ROUPPERT

Né le 15 août 1887 à 7 h du matin à Custines Meurthe-et-Moselle 54
Selon acte n°15 – NMD 1883-1900 – vue 28/371

Décédé le 25 août 1979 à Bussières Loire 42

 

 

Son destin prend forme grâce à son épouse qui encourage ses dons d’artiste.

Jean Rouppert, un artiste parmi d’autres pris dans la tourmente de la guerre pendant plus de quatre années, livre son témoignage à travers près de 2000 lettres ou cartes adressées à sa chère épouse. Il s’agit d’un patrimoine précieux sur 14-18, illustré parfois de caricatures.

A la naissance de Jean Rouppert, son père est ouvrier de forges. La guerre de 1870 sépare sa famille car son grand-père reste en Moselle sous occupation allemande, tandis que son père, qui préfère rester en France, va s’installer à Nancy. Comme sa famille est pauvre, Jean quitte l’école à 13 ans pour être apprenti galochier puis enchaîne divers petits boulots.

A 19 ans,  il décide d’orienter sa vie vers des horizons plus prometteurs et s’engage, pour quatre ans, dans l’Armée coloniale, qui le mène notamment à Dakar.

De retour sur sa terre natale en 1910, il se retrouve chaudronnier aux forges de Pompey.

Mais son destin s’éclaire en 1913 quand il fait connaissance, par voie épistolaire, d’une institutrice roannaise, Magdeleine Labouré (voir thème en fin de fiche), qui l’encourage à développer ses dons pour le dessin. C’est ainsi qu’il devient décorateur puis dessinateur dans les établissements Emile Gallé à Nancy, céramiste réputé.

Avec d’autres employés de l’entreprise, il forme le projet de créer leur propre entreprise de gravure d’art sur verre et cristaux, mais la Grande Guerre vient tout arrêter.

 

Un artiste, bon soldat, mais qui refuse la bêtise de la guerre.

Jean se marie le 14 mars 1914, mais le début de vie commune avec Magdeleine sera bref, car il est mobilisé d’août 1914 jusqu’en avril 1919.

Les époux se promettent de s’écrire tous les jours.

Incorporé dans l’artillerie, il participe à des travaux de terrassements et de chargement d’obus.  Ce qui lui faire écrire le 10 décembre 1914, dans une lettre à son épouse :

Sais-tu que depuis 36 heures, sans dormir plus d’une heure, nous avons chargé 3600 obus de 155, 43 kg/pièce, à destination du front ?

Si Jean fait sérieusement son travail de soldat, il n’en est pas moins critique face à l’aberration de la guerre. Le 12 août 1914, il écrit :

Que de terrassements encore en perspective. Cela me dégoûte. Se taper dans le nez passe encore, mais creuser des taupinières je ne peux pas m’y faire…


«Mon Dieu, mes enfants ! » 1921 – plume, encre de Chine

 

Et le 16 septembre 1914, il décrit l’horreur que vivent les soldats :

La guerre, c’est de la destruction, de la dévastation en marche… Dans les foules, les mitrailleuses creusent des sillons infranchissables, les canons envoient des ouragans de plomb, des explosions se produisent, le déplacement d’air crée des tourbillons et les hommes jetés les uns sur les autres forment des montagnes de chair inerte et sans vie… L’entassement des corps sanglants dans les hôpitaux, le spectacle de toutes les horreurs, de toutes les désespérances. Il y a la maladie entrant par la plaie ouverte…

Que feront contre cela, les orgueils, les discours flamboyants et patriotiques, les excitations et enthousiasmes passagers, les ivresses fuyantes comme des fumées, les croix et les médailles ?

La guerre, une ruée de bêtes poussées par un semblant de raison…

Artiste dessinateur et sculpteur dans l’âme, il se livre, comme d’autres Poilus, à de l’artisanat de tranchées : statuettes en bois, aluminium ou craie, obus en laiton retroussé, des coffrets en bois ou en laiton, un service à thé en cuivre et laiton, style Art nouveau.

Sur le front, ses dessins sont plutôt des esquisses, caricatures satiriques et quelques aquarelles. Mais comme les nombreux artistes devenus soldats, il ne peint ni ne dessine l’innommable de la guerre.


Broutilles 1918 – crayon - aquarelle

 

Après de nombreux engagements notamment à Verdun et dans la Somme, il est blessé et tombe gravement malade à la suite d’une morsure de rat. Il est démobilisé le 10 avril 1919.

 

La Seconde Guerre mondiale le pousse à produire plus de 1000 dessins.

A partir de 1925, il ouvre un atelier en tant qu’artiste indépendant d’abord à Lyon puis à partir de 1932 à St-Alban-les-Eaux. Il s’exprime par le dessin, la peinture et la sculpture sur bois. Il excelle dans les caricatures liées à la Grande Guerre, le monde animalier et les paysages… et des illustrations inspirées de personnages mythologiques, légendaires ou religieux.

       

 

Son trait est précis, vif, rigoureux, va à l’essentiel du message mais sans omettre le moindre détail et avec un sens esthétique d’avant-garde.

L’arrivée de la Seconde Guerre mondiale, va réveiller les traumatismes du passé et relancer sa réflexion à travers plus de mille dessins, des lettres et textes satiriques , où transparaît son esprit critique, vif et lucide. Son témoignage incisif vise à faire réfléchir et aussi à transmettre ce vécu aux générations suivantes.

Il écrit en mars 1947, en ajout de son album de dessins de guerre, à propos du sens qu’il veut donner à ses créations :

Si l’œuvre n’est point remède, si elle n’est ni amusement, ni guide, ni consolation, si elle confirme plus de désillusions qu’elle n’entraîne d’espoir, comme pour son objet et sa nature, elle est privée de charme romanesque et de charme esthétique, que lui reste-il ? Elle incite à la réflexion. Au moins je le voudrais. Je voudrais qu’elle alimente en chacun cette petite veilleuse qui nous élève au-dessus du niveau de la bête et de l’idiot du village, qu’elle tienne en éveil notre sens critique…

Jean Rouppert expose dans des musées et galeries à partir des années 1930 et jusqu’aux années 1950. Il décède le 25 août 1979, un an après son épouse.

A partir de 1996, des expositions rétrospectives lui sont consacrées dans de nombreux musées de France.

 

Source documentaire : Wikipédia et Actes du Colloque Musée d’Histoire du XXe siècle d’Estivareilles -  11 novembre 2014 – M. Ronald Müller, sociologue, auteur de « Le Regard sur la guerre transmis par Jean Rouppert »

 

 

Jean ROUPPERT

 

Magdeleine Claudia LABOURE
épouse de Jean ROUPPERT

Née le 20 décembre 1888 à 22h  à Noirétable 42 Loire
Selon AD42 en ligne - 1884-1890 - vue 81/115

Décédée le 21 mai 1978 à Roanne Loire 42

 
(
Logiciel AUREAS AstroPC Paris)

 


Retrouvez l'acte sur les Archives Départementales Françaises en ligne

haut de page