Aussi méconnu que talentueux, cet écrivain-chroniqueur hors normes, accède à la notoriété à 78 ans par ses dialogues radiophoniques. Pendant plus de trente ans il est secrétaire de rédaction à l’illustre revue littéraire Le Mercure de France.

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Paul Léautaud

Né le 18 janvier 1872 à 1h du matin à Paris 1er
Selon acte n°91 – Archives de Paris en ligne – vue 13/31

Décédé le 22 février 1956 à Châtenay-Malabry 92 – Hauts-de-Seine

 

 


https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Leautaud_1915.jpg?uselang=fr
Peinture Catti - 1915 - musée Carnavalet

 

Livré à lui-même, il s’éduque seul…

Employé  au Mercure de France, il renonce à publier pour garder la liberté d’écriture

Quelques rares publications

Ecrire son Journal est pour lui une passion exclusive pendant 60 ans

La notoriété lui arrive à 79 ans, grâce à l’ORTF.

Quelques citations made in Léautaud

Un capricornien grand teint, ami des animaux et critique du genre humain

 

 

Livré à lui-même, il s’éduque seul…

Né de parents artistes dramatiques, son enfance prend, elle aussi la couleur du malheur entre un père indifférent et volage et une mère voyageuse qui l’abandonne.

Il s’éduque tout seul, quitte l’école à quinze ans et parvient à vivre de petits emplois. Et pour la culture, il lit tard le soir, les grands auteurs.

J'ai appris tout seul, par moi-même, sans personne, sans règles, sans direction arbitraire, ce qui me plaisait, ce qui me séduisait, ce qui correspondait à la nature de mon esprit (on n'apprend bien que ce qui plaît).

Installé à Paris en 1890, il raconte :

Pendant huit ans, j’ai déjeuné et dîné d’un fromage de quatre sous, d’un morceau de pain, d’un verre d’eau, d’un peu de café. La pauvreté, je n’y pensais pas, je n’en ai jamais souffert.

 

Employé  au Mercure de France, il renonce à publier pour garder la liberté d’écriture

C’est en 1895 qu’il est embauché au Mercure de France, fondé en 1890. Devenu secrétaire de rédaction de cette revue littéraire française, maison d’édition et centre littéraire, il est chargé de la réception des manuscrits et de la publicité. Il y fera toute sa carrière jusqu’en 1940.

Son talent est là et il est reconnu des milieux littéraires dès 1903 avec Le Petit Ami, ouvrage largement autobiographique.

Ayant en horreur la « littérature alimentaire » il publie peu. Et pour conserver la liberté d’écrire ce qui lui plaît, il se contente de l’emploi mal payé au Mercure de France.

De 1900 à 1930, il fait paraître une anthologie en trois volumes Poètes d’aujourd’hui.

Chroniqueur dramatique – sans doute par héritage familial -, il réunit ses articles dans le Théâtre de Maurice Boissard (son pseudonyme de chroniqueur).

 

Quelques rares publications :

·         En 1928, il publie Passe-Temps.

·         1943 : Le Théâtre de Maurice Boissard - 1907-1923 - avec un supplément

·         1945 : Marly-le-Roy et environs, Éditions du Bélier

·         1951 : Entretiens avec Robert Mallet, Paris, Gallimard.

·         1954 à 1966 : Journal littéraire 19 volumes, Paris, Mercure de France.

·         1956 : In Memoriam, Paris, Mercure de France.

 

Ecrire son Journal est pour lui une passion exclusive pendant 60 ans

Diariste, il  consacre 60 années à l’écriture de son Journal où il relate au jour le jour, sous l’impression directe, les événements qui le touchent.

Je n’ai vécu que pour écrire. Je n’ai senti, vu, entendu les choses, les sentiments, les gens que pour écrire. J’ai préféré cela au bonheur matériel, aux réputations faciles. J’y ai même souvent sacrifié mon plaisir du moment, mes plus secrets bonheurs et affections, même le bonheur de quelques êtres, pour écrire ce qui me faisait plaisir à écrire. Je garde de tout cela un profond bonheur.

Le premier tome du Journal littéraire n’est publié au Mercure de France qu’en 1954, le second en 1955, le troisième en 1956 deux mois après sa mort. Tous les autres tomes seront édités au Mercure sous la responsabilité de Marie Dormoy, directrice de la bibliothèque littéraire Jacques-Doucet. Dernière liaison amoureuse de Léautaud, elle reste une amie dévouée et son exécutrice testamentaire.

Indifférent à la Première Guerre mondiale et rejetant le Front populaire de 1936, il se dit pro-allemand pendant la Seconde Guerre mondiale, mais refuse les offres de publication faite par la Collaboration.

Paul Léautaud photographié par Henri Cartier-Bresson

 

La notoriété lui arrive à 79 ans, grâce à l’ORTF.

Sa franchise, son esprit moqueur et subversif le font connaître des milieux littéraires mais le grand public ne le découvrira que lors de ses entretiens radiophoniques avec Robert Mallet entre décembre 1950 et juillet 1951.

Ce petit homme aux besicles rondes et aux tenues emmitouflées volontiers misanthrope et misogyne, vivant reclus avec ses chats à Fontenay-aux-Roses fait alors sensation par ses propos sarcastiques et frondeurs par haine du conformisme, sans sujets tabous. D’une grande indépendance de jugement, il livre aux auditeurs son style à la fois incisif et savoureux.

Il a alors 79 ans. Et selon le journaliste Jean Galtier-Boissière « cet irrévérencieux olibrius dit avec une franchise inouïe tout ce qui lui passe par la tête, culbute les idoles consacrées… ». Ses propos scandalisent certains bien-pensants tandis que le grand public se passionne pour cet original dont paroles et écrits sont décapants.

Volontiers misanthrope, il a passé plus de quarante ans de sa vie à recueillir les animaux abandonnés, lui l’enfant abandonné : ainsi de 1912 à sa mort ce sont plus de 300 chats, 125 chiens et une guenon qui partageront un temps la vie de cet homme hors normes.

 


https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Paul_Leautaud_1956.jpg
Paul Léautaud à la Vallée-aux-Loups, dans la demeure de Chateaubriand,
chez son ami Docteur Le Savoureux qui tient une maison de santé, quelques jours avant sa mort.

 

Quelques citations made in Léautaud

Qu'est-ce que vous faites ? - Je m'amuse à vieillir. C'est une occupation de tous les instants.

Quand on a de l'argent il faut se garder de le dire à sa maîtresse : elle se mettrait à vous adorer.

Ce qui est difficile, c'est de devenir octogénaire ; après, il n'y a plus qu'à se laisser vivre.

J'ai toujours rencontré si peu d'esprit autour de moi qu'il a bien fallu que j'utilise le mien.”

“La solitude conserve neuf.”

“Les professeurs sont faits pour les gens qui n’apprendraient rien tout seuls. Le savoir qui compte est celui qu’on se donne soi-même, par curiosité naturelle, passion de savoir.”

 

 

Un capricornien grand teint, ami des animaux et critique du genre humain

Quelle étonnante personnalité !

L’influence conjuguée du glacial Capricorne et du Scorpion provocateur donne à Paul Léautaud un style incisif et sans merci où la critique lucide et froide est livrée sans complaisance et avec une certaine jouissance.

Son refus de publication lui permet aussi de conserver ses pensées secrètes et de cultiver le mystère cher au Scorpion. 

Et tant mieux si ses propos acerbes incommodent, car il lui faut être vrai avec sa pensée émise telle quelle et sans emballage diplomatique.

En ours sec et désagréable, il se fait assez misanthrope pour préférer se faire bienfaiteur des animaux sans trop s’intéresser aux humains.

Le Capricorne que l’on voit rajeunir avec le temps trouve une belle illustration chez Léautaud qui se replie tel l’ermite dans l’austérité et à la solitude, à l’écart du genre humain mais portant un avis tranchant sur les turpitudes du monde. Et selon la logique saturnienne, c’est sur le tard qu’une popularité méritée lui arrive.

 

 


(
Logiciel AUREAS AstroPC Paris)

 


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