Sylvain DORNON
(né Jean DORNON dit)
né le 28 octobre 1858 à 21 heures à Salles Gironde 33
décédé en 1900
Voilà un homme qui sait prendre de la hauteur !
Passionné par les échasses, il crée un groupe et invente la danse sur échasses en 1889.
Pour la publicité, rien de mieux que faire des exploits :
grimper à la Tour Eiffel, faire Paris-Moscou
58 jours sur échasses de Paris à Moscou
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Passionné par les échasses, il crée un groupe et invente la danse sur échasses en 1889.
Né d’un père résinier (récoltant la résine de pin) et d’une mère cultivatrice, son état-civil indique Jean pour seul prénom, mais dans la vie, on le prénomme Sylvain.
Son métier, c’est boulanger et pour cela nul besoin de se percher sur des échasses. Certes, mais quand on est natif de la région des Landes, ces « grandes jambes en bois » font partie du paysage pastoral. Sylvain Dornon adore ce genre d’outil qui commence à disparaître dans l’agriculture de sa région en cette fin de 19e siècle.
Déterminé qu’il est à faire connaître l’usage des échasses et surtout pour dépayser les estivants fortunés qui commencent à découvrir les plaisirs balnéaires de la côte, il organise un groupe de « tchancats ». Et c’est devant un nombreux public dans le parc du Casino Mauresque d’Arcachon qu’il présente pour la première fois ce groupe, le 4 août 1889. Le spectacle se compose de courses et de danses en échasses au son du fifre et d’un hautbois rustique, « la tchalamine ». Quel exotisme pour ces messieurs costumés en chapeau melon ou canotier, accompagnés d’élégantes dûment chapeautées, corsetées, s’abritant sous une ombrelle, que de voir ces « pauvres » bergers landais, vêtus de peaux de mouton, pieds nus ou chaussés de sabots qui gambadent sur des échasses !
La danse sur échasse vient d’être créée.
Lors d’exhibitions, le public médusé lance des pièces aux échassiers qui doivent les récupérer avant le voisin. La réussite est à celui qui sera le plus habile et le plus acrobate.
affiche
Pour la publicité, rien de mieux que faire des exploits :
grimper à la Tour Eiffel, faire Paris-Moscou
En cette année 1889, l’Exposition Universelle de Paris bat son plein. Il s’agit d’une belle opportunité pour Sylvain Dornon qui, parvient à grimper avec ses échasses jusqu’au 2e étage de la Tour Eiffel. Son succès est aussi grand que l’étonnement dans les yeux des visiteurs ébahis de voir surgir cet homme-échassier. Lui aussi fait partie de ceux qui ont osé la Tour Eiffel comme un défi...
Mais sitôt de retour, il songe à un nouveau projet : se rendre à l’Exposition franco-russe de mai 1891.
Quand le 12 mars 1891, Sylvain descend du fiacre, place de la Concorde à Paris, près de 2 000 personnes se bousculent pour apercevoir cet échassier. Vêtu d’un costume solide complété, pour faire pittoresque, d’une peau de bique et d’un béret landais, voilà Sylvain prêt pour son périple de Paris à Moscou. Il s’est fabriqué deux paires d’échasses en bois blanc, une qui mesure 1m10 et pèse 3 kilo 200, une autre expédiée à Moscou qui mesure 1m80. Dans une sacoche en cuir portée en bandoulière, il y a « quelques bonnes cartes », un peu de linge et un révolver chargé ! Pour les vêtements de rechange et le linge, deux malles ont été expédiées par avance, l’une à Berlin, l’autre à Moscou.
Un contrat passé avec le journal l’Illustration lui permet de financer le voyage.
Le départ pour Moscou
58 jours sur échasses de Paris à Moscou
Les intempéries et le mauvais état des routes rendent le trajet difficile, sans compter quelques réactions inamicales de villageois troublés par cet étrange épouvantail passant devant chez eux. Parcourant 60 km par jour, il passe par Reims, Sedan, Luxembourg, Coblentz, Berlin, Wilna avant de parvenir à Moscou le 10 mai. Et c’est, auprès d’un public enthousiaste criant « Vive la France » et derrière un cortège de policiers, qu’il visite l’Exposition.
Alors qu’il est en direction de Minsk, lui arrive un drôle d’accident heureusement sans conséquences fâcheuses. Sur la route, il rencontre une longue file de voitures transportant des poteries en terre. Les chevaux effrayés par ce drôle d’animal à grandes jambes, s’emballent, faisant culbuter les chargements. Par miracle, rien n’est cassé mais les conducteurs se sauvent en criant qu’il s’agit du diable ou… du Bon Dieu.
Plus tard, c’est aussi ce que certains lui répèteront en le voyant, juché sur ses échasses, traverser un pont sur une seule planche peu avant Borodino.
Sylvain, qui n’est ni le diable ni le Bon Dieu, poursuit son chemin, toujours campé sur ses échasses. Dans les jours suivants il traverse même le pont de la Bérézina, célèbre par tant d’héroïsme et de malheurs durant la campagne de Russie de Napoléon en 1812.
Le retour en France est rapide par Smolensk, Minsk et Varsovie avec un fâcheux incident où se brisent des verres gravés en russe pour ses amis français.
Il arrive dans sa famille le 28 juin 1891 juste pour la belle saison où Arcachon s’anime de nombreux estivants. Et sa maison ne désemplit pas d’ « étrangers » venu approcher l’échassier héroïque.
En ce temps où apparaissent photographies et cartes postales, Sylvain Dornon pose « déguisé » en berger landais et juché sur ses célèbres « tchanques » de 1m80, au milieu de moutons. En fait, s’il n’a jamais été berger, Sylvain ne cesse de s’exhiber pour faire connaître cette coutume pastorale devant les meilleurs photographes de l’époque.
Ainsi, jusqu’en 1900, sur ses « tchanques » il parcourt des milliers de kilomètres à travers la France avant de mourir prématurément à l’âge de 42 ans.
(Logiciel AUREAS AstroPC Paris)
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